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La vieillesse

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« Et qu’est-ce que moines, que la Noble vérité de la souffrance ? la naissance est souffrance, la vieillesse est souffrance, la mort est souffrance… Et qu’est-ce que la vieillesse ? la vieillesse est l’avancement en âge des êtres appartenant à cet ordre d’êtres-ci ou à celui-là, leur fragilité, leur déclin croissant, l’apparition des cheveux blancs et des rides : la diminution de leur force vitale, l’affaiblissement de leurs facultés sensorielles — ceci s’appelle la vieillesse. (Digha-Nikaya) »

Bien évidemment, chacun(e) souhaite trouver un moyen d’éviter cette perspective peu réjouissante. Et pourtant, est-ce souhaitable ? est-ce que la vieillesse ne joue pas un rôle important dans la trame de notre vie ?

Dans son ouvrage visionnaire sur le « meilleur des mondes » possibles, Aldous Huxley décrit un monde où la vieillesse n’existe plus. Dans ce meilleur des mondes, tout est fait pour ignorer la mort, célébrer la jeunesse, le plaisir sous toutes ses formes ; les êtres restent jeunes en apparence et tout à coup, lorsque la mort arrive, ils sont conduits dans une unité spéciale ou ils demeurent hébétés et drogués durant le peu de temps qui leur reste avant d’être emportés.

« Tous les signes physiologiques de la vieillesse ont été abolis. Et avec eux, bien entendu, toutes les particularités mentales du vieillard. Le caractère demeure constant pendant toute la durée de la vie…// À présent, voila le progrès, les vieillards travaillent, les vieillards pratiquent la copulation, les vieillards n’ont pas un instant, pas un loisir à arracher au plaisir, pas un moment pour s’asseoir et penser… »

Huxley a imaginé un meilleur des mondes qui est plein d’enseignements; cette société « idéale » a éradiqué les chagrins, la maladie, les conflits, la faim, la guerre et même la vieillesse. Tout est fait pour assurer la « stabilité » de la société ; les individus sont conditionnés dès leur conception en éprouvette à s’adapter à un monde sans heurts, à éprouver de façon ininterrompue des sensations agréables, des moments de plaisirs sensoriels qui sont renforcés par le recours quotidien à une drogue miracle : le « soma » qui leur permet de plonger dans un paradis artificiel dès qu’ils ont la moindre contrariété. En échange du bonheur de ce « meilleur des mondes », les habitants se meuvent et agissent comme des moutons, leurs pensées, leurs opinions sont le résultat d’un traitement « hypnopédique » durant leur sommeil quand ils sont enfants, ils atteignent ainsi l’âge adulte sans heurt, sans drame, sans problèmes et passent leur vie dans ce même état de « bonheur » jusqu’au moment où la mort les emporte.

Les habitants de ce meilleur des mondes ne changent pas extérieurement, donc ils ne changent pas intérieurement. Puisqu’il n’y a pas de problème, il n’y a pas de questions, pas de réponses, pas de recherche, pas d’expériences dont on tire des leçons, pas de maturation, et forcément, pas d’éveil possible.
Dans ce monde imaginaire, les individus demeurent constamment dans un état de satisfaction infantile immédiate ; ils vivent en groupe dans un univers de sur-stimulations sensorielles agréables, où la solitude et le silence sont suspects.

Ce meilleur des mondes (écrit en 1931) n’offre-t-il pas d’étranges ressemblances avec le monde actuel qui veut ignorer la décrépitude et la mort, où l’on est poussé à s’affairer encore et encore, à ne pas avoir le temps de penser, de réfléchir, de questionner, un monde où le bonheur c’est de consommer toujours plus…

Un aspect important du vieillissement, c’est la diminution de l’activité physique qui permet d’avoir le temps de la réflexion. Ne disait-on pas dans le passé : « Il faut bien que jeunesse se passe », car on considérait que le temps de la jeunesse, de l’inexpérience, des erreurs, des incompréhensions était un passage obligé et pénible qu’il fallait traverser pour arriver à mieux comprendre les choses, à prendre du recul, à acquérir un peu de sagesse.
Mais à notre époque où le corps, le matériel prend toute la place, il n’est plus question de respect de l’expérience, de la maturation, de la sagesse acquise au fil des ans, la vieillesse se réduit désormais à des rides et à des chairs flasques qu’il faut vaincre à tout prix, une bataille d’ailleurs perdue d’avance.

Pourtant, si on prend le temps de se projeter dans le passé et de se voir telle qu’on était il y a quelques années, il n’est pas certain qu’on veuille revenir en arrière, car grâce à la pratique, on a peut-être changé en mieux ? peut-être a-t-on compris des choses précieuses qu’on ne voudrait pas perdre ?
Avons-nous envie de rester ce que nous sommes ? de ne pas croitre en compréhension et en sagesse ? de conserver notre mental rebelle et toutes ses pensées négatives ?
Dans ce meilleur des mondes, Huxley nous interpelle sur la nécessité de l’épreuve et de la confrontation à la souffrance. Pourrait-on se préparer à la mort si on ne vieillissait pas ?

Arrêtons de croire tout ce que la médecine officielle nous raconte. La maladie d’Alzheimer n’est pas une fatalité liée au vieillissement de la population, découvrir et diffuser ce livre autour de nous :

En Asie, (Inde, Japon), ce qu’on appelle désormais le 3ème âge est (était ?) traditionnellement le moment de l’approfondissement de la pratique spirituelle. Les enfants élevés, les besoins matériels sont moindres, la mort approche, on sent le besoin de lâcher le tourbillon de la vie active. La vieillesse devient alors non pas une malédiction, mais un moment privilégié pour aller à l’essentiel.

La décrépitude du corps est incontestablement une épreuve dure à supporter, mais on peut se préparer à cette étape inévitable de la trajectoire humaine. Les femmes merveilleuses que nous avons choisies de vous présenter dans ce numéro nous démontrent qu’il est possible de ne pas sombrer avec le corps si on a un intérêt puissant pour quelque chose qui ne dépend pas de ses performances.

Ce sont :

Ruth Denison, l’enseignante du Dharma qui transmet encore à plus de quatre-vingt dix ans, voir la page où nous la célébrons

Alexandra David Neel ci-dessous qui, pour ses cent ans, répondait philosophie bouddhiste à un journaliste

Ayu Khandro, yogini centenaire que nous avons célébré dans le numéro 4.

et quatre autres femmes extraordinaires :

Alice Sommer-Herz,une musicienne fabuleuse, qui pratique encore son piano plusieurs heures par jour à l’âge canonique de 108 ans !

Rita Montalcini, une scientifique, centenaire, prix nobel de médecine,

Denise Legrix, une femme née gravement handicapée mais qui devint centenaire et qui fit de sa vie une leçon d’altruisme,

Soeur Emmanuelle, une religieuse célèbre et merveilleuse qui quitta ce monde un mois avant ses cent ans,

Lire ici en relation avec le thème : Bien vieillir est un travail

Alexandra David Neel à 100 ans, avec toute l’acuité de sa pratique :