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Le Bouddhisme engagé

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L’image d’une Kwan-yin s’impose bien sûr lorsqu’on parle d’engagement au féminin, c’est en effet le symbole de la compassion féminine. D’innombrables femmes sont engagées et s’engagent quotidiennement dans toutes sortes de combats pour soulager la souffrance, que ces femmes soient bouddhistes, chrétiennes ou autres.

Comme nous l’avons dit en première page, nous sommes tout à fait conscientes de ce qui se passe en Birmanie et nous relaierons dans le magazine toutes les actions proposées en vue de soutenir les bouddhistes birmans dont nous aurons connaissance. L’actualité ne change pas fondamentalement notre réflexion et notre propos sur l’engagement, nous partageons ici avec vous une réflexion sur la notion d’engagement, sans la relier nécessairement liée au drame birman.

La doctrine bouddhiste a pour objectif l’Eveil, la libération du samsara et non l’amélioration immédiate mais éphémère des conditions qui prévalent dans le monde des phénomènes. Dans ce cas, pourquoi des bouddhistes s’engageraient-elles dans des actions humanitaires ?

C’est une question qui a toujours été largement débattue en Occident et que nous pourrions formuler en termes chrétiens en demandant : action ou contemplation ? Y-a-t-il une réponse simple et unique à cette interrogation ?

Il est intéressant de savoir que Maitre Cheng-Yen, l’une des femmes bouddhistes engagées que nous présentons dans ce numéro et qui est nonne se décida à entreprendre des actions humanitaires après s’être vu reprocher par des nonnes catholiques la passivité des bouddhistes face à la souffrance humaine. Et certainement, on ne peut nier que le christianisme soit, de ce point de vue, un exemple pour les autres religions.

S’engager profondément dans la pratique, comme l’a fait le Bouddha il y a deux mille cinq cent ans, en vue l’atteindre l’Eveil et d’aider ainsi tous les êtres, c’est certainement l’altruisme le plus pur. Le Bouddha, que l’on surnomme le Grand Médecin, n’a-t-Il pas aidé d’innombrables êtres depuis sa venue sur cette Terre ?

De la façon la plus concrète et la plus immédiate, tout le monde n’est pas prêt à devenir nonne ou moine, ni à s’engager totalement dans une pratique de méditation. Aussi existe-t-il d’autres champs de pratique, selon l’appel de chacun(e), et celui de l’engagement humanitaire en est un. Maitre Chang Yen et soeur Chan Kong, nonnes toutes deux, ont d’ailleurs combiné à la fois l’engagement humanitaire et leur pratique monastique.

Selon le moment et le tempérament de chacun(e), ce qui est juste pour l’une ne le sera pas pour l’autre. Il y a les grands engagements monastiques, humanitaires, politiques, mais, il y a aussi, et ceci n’exclut pas cela, tous les petits engagements au quotidien pour se transformer et transformer notre contact avec les autres et notre regard sur eux.

L’octuple sentier de la noble voie bouddhique comprend la parole juste, l’action juste et les moyens d’existence justes. Il y a là un champ d’action et d’engagement immensément vaste et exigeant.

L’engagement bouddhiste – actions au quotidien

Le Bouddha nous a enseigné l’importance de la loi de l’interdépendance. Quoi que nous fassions, nous produisons en nous et autour de nous des résultats, favorables ou non. Les problèmes d’environnement à l’échelle planétaire ne font que mettre en évidence cette éclatante vérité. Tout ce que nous faisons a un effet sur le monde. Et notre pratique nous permet d’avoir un regard plus profond sur les causes et les résultats de nos actions.
Notre engagement, en tant que femmes bouddhistes, peut et doit s’exprimer dans tous les domaines de l’existence.

De façon très concrète, ce sont les femmes qui achètent majoritairement ce qui est nécessaire dans un foyer. Comment appliquer nos valeurs et notre attention à ce que nous achetons. Cela représente un domaine d’engagement dont les conséquences sont des plus importantes.

Quelques exemples : choisir des produits respectueux de l’environnement, qui ne sont pas cause de souffrance animale et humaine. Questionner les conditions de production, de transport de ce que nous achetons, de la nourriture, des vêtements, des jouets, des meubles, etc…
Les Amis de la Terre ont fait une étude approfondie du coût environnemental de ce que nous avons dans notre assiette. Quelques exemples : même bio, est-il acceptable d’acheter hors saison un fruit venu d’Argentine, qui a traversé la moitié du monde pour aboutir dans notre assiette et qui a donc produit plus que son poids en CO2 ? Les surgelés, c’est bien pratique, oui, mais il faut une chaîne du froid pendant des mois pour que je puisse les déguster, cette dépense d’énergie est-elle juste ? n’y a-t-il pas d’alternative ?

Pourquoi ne pas acheter ailleurs que dans les grandes surfaces ? Connaissez-vous les AMAP ? Les jardins de cocagne ? Privilégions les producteurs, les marchés, les petites structures commerciales, à dimensions humaines.

Manger de la viande est une habitude culturelle que nous pouvons et devons remettre d’autant plus en question qu’on ne peut pas se voiler la face quant aux conditions effroyables dans lesquelles les animaux sont élevés avant d’être transportés et abattus comme s’ils n’étaient que des objets inanimés.

Les vêtements et les chaussures tellement bon marché, venus d’Asie, qui inondent l’Occident sont-ils produits par des enfants asiatiques enchaînés à leur machine ? Pouvons-nous nous réjouir d’une garde-robe à prix « discount », acquise au prix de ces souffrances ?
Le collectif « De l’éthique sur l’étiquette » lutte pour le respects des droits humains dans le monde, notamment du travail, grâce à la prise de conscience des consommatrices qui peuvent agir par le choix de leurs achats sur les conditions de vie des travailleurs des pays pauvres.
Les produits d’entretien que je choisis sont-ils biodégradables et sans danger à produire, à utiliser, à détruire ?

Les cosmétiques sont-ils testés sur les animaux ? Le bois de nos meubles, de nos portes et fenêtres viennent-ils de forêts renouvelables ou de forêts primaires dévastées par notre cupidité à courte vue ?

Economiser les ressources de notre planète est une pratique éthiquement indispensable à la fois pour l’avenir de notre espèce et par solidarité avec les pays pauvres qui sont les premiers à subir les conséquences de nos gaspillages. Economiser l’eau, l’électricité, le chauffage, les déplacements en voiture individuelle, modifier en profondeur notre attitude de tous les jours…

Que nous le voulions ou non, tous nos choix ont un impact sur le monde ; le choix de nos loisirs, de nos vacances, des livres que nous lisons, des jouets que nous achetons, des films que nous regardons, de la musique que nous écoutons, de la banque que nous choisissons, etc.

Et puis, il y a ce réflexe automatique d’achat en réponse à la publicité, ces désirs insatiables qui sont constamment nourris en nous dont le Bouddha nous a dit et répété combien ils sont sources de souffrance.

Comment protéger les enfants de cette attitude consumériste, de l’influence de l’école ? de la prolifération de jouets, de gadgets, de sucreries, etc.. c’est un engagement au quotidien, et pas le plus facile !
Noël approche avec la débauche de jouets (à piles de surcroît ! ) qui s’accumulent dans les chambres de nos enfants blasés. La transmission des valeurs bouddhistes et de vrais moments de partage et d’attention ne sont-ils pas mille fois plus précieux pour eux ?

Pierre Rabbhi utilise une magnifique expression pour résumer le comportement que nous devons nous efforcer d’adopter à chaque instant : une sobriété heureuse.

Il n’existe pas à notre époque un domaine de la vie où la réflexion et le questionnement ne sont pas nécessaires. C’est un engagement et une occasion de pratique au quotidien, de rappel de l’interdépendance de tous les êtres, de la sagesse transcendante du Bouddha.

C’est donc à tous ces engagements au quotidien que nous vous invitons. Des petites choses qui n’ont pas de petits impacts, mais des grands. Des actes qui érodent notre égoïsme et nous relient aux autres.

A la rubrique sites amis du numéro en cours, vous trouverez des associations qui vous informent et vous proposent des engagements dans différents domaines.