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Relations et rencontre entre Orient/Occident

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AsieLe premier verset du Dhammapada déclare :
« Tous les phénomènes qui se manifestent à nous
Naissent dans notre cœur et dans notre esprit ;
Ils sont dirigés par le cœur et l’esprit,
Ils sont fabriqués par le cœur et l’esprit ».

C’est la grande vérité du Bouddhisme, et c’est cette compréhension fondamentale qu’il apporte à l’Occident.

En Occident, l’acte parait la seule chose « concrète », la seule chose importante. La pensée, la parole ne sont pas « réels ». C’est en raison de cette conception erronée du monde qu’il est possible aux Etats Unis, au nom de la liberté individuelle d’expression, de dire et d’écrire n’importe quoi, y compris des appels à la violence et au racisme, sous prétexte que seul le passage à l’acte est répréhensible.

L’histoire a montré à de nombreuses reprises le pouvoir de la propagande sur les esprits, les actes s’ensuivant inévitablement. Et pourtant, l’Occident continue à n’accorder aucune importance à la discipline de l’esprit, à ne pas s’inquiéter des valeurs et des modèles présentés aux jeunes dans les médias, à l’action sur le mental de la musique dite populaire, des messages publicitaires, des films, etc.

Dans le Bouddhisme, au contraire, il est dit que même la manifestation dans nos rêves nocturnes de comportements peu souhaitables amènent des conséquences néfastes pour la personne qui rêve, car c’est l’expression de son monde mental.

Toute l’éducation des enfants occidentaux est basée sur le paradoxe absurde de leur interdire de faire ce qu’ils voient tous les jours sur leurs écrans de télévision ou dans des jeux vidéos sur internet, sous prétexte que la violence sur un écran n’est pas un « acte réel ».

Les psychologues occidentaux y voient une libération des pulsions, une catharsis destinée à extérioriser sans danger la violence qui est en eux, cela éviterait les refoulements avec les problèmes psychologiques que cela entraine. Or, on peut constater tous les jours que c’est l’inverse qui se produit, que la violence est partout, dans la pensée, dans les paroles et dans les actes.

L’histoire des comportements humains devrait être enseignée aux enfants à la lumière de la sagesse bouddhiste. On expose les causes matérielles, les traités, les accords passés entre les peuples, etc.. On ne met pas du tout en valeur l’importance capitale de la pensée et de la puissance de l’inconscient collectif.

La crise économique que connait l’Occident est également basée sur une pensée, la pensée implicite que l’argent est la valeur suprême, qu’il est légitime de s’enrichir aux dépens des autres, qu’il est légitime de piller les ressources des autres peuples et de la planète, que la compétition et la violence étant inhérents à la nature humaine, il faut être le plus malin, le plus dur et le plus impitoyable pour gagner.

Cette idée n’est jamais mise en question et le résultat, le karma dit le Bouddha, c’est la somme de souffrances qui en découle nécessairement pour l’humanité en général.

Les médias ont bien compris que le désir et la peur sont les deux moteurs de l’être humain. Pour « faire de l’audience », les journaux télévisés font constamment de la surenchère dans la description des dangers qui nous menacent, avant de donner la parole aux spots publicitaires qui vont apaiser notre angoisse existentielle par le dernier produit en promotion. Ainsi, les pensées de peur et de désir sont alimentées sans cesse et créent les conditions propices à des états mentaux générateurs de souffrance. Combien on est loin de la sagesse du Bouddha !

Cette grande leçon du Bouddha : « je suis le résultat de ce que je pense » est le message le plus essentiel que l’Orient peut donner à l’Occident.

En Asie même, ce message n’a pas empêché la violence individuelle et étatique. Mais tout message spirituel, si grand soit-il, ne finit-il pas par perdre de sa force au fil du temps ? Réjouissons-nous de ce que la sagesse bouddhiste trouve un nouveau souffle en Occident.

Nos actes sont conditionnés par nos pensées, nos opinions, notre échelle de valeur, le monde ne peut changer que si nos pensées changent. Le Bouddha a enseigné que la discipline mentale est source de bonheur et qu’il existe la possibilité pour chaque être humain de s’éveiller à sa Nature-de-Bouddha.

Les médias de la société de consommation affirment sans cesse que la satisfaction des désirs et l’abondance matérielle sont le chemin vers le bonheur. Cette idée est à l’opposé de ce que le Bouddha nous enseigne et nous pouvons constater chaque jour que l’abondance de biens matériels n’apporte pas le bonheur espéré.

Cette soif de biens matériels a largement gagnée l’Asie, même si les grandes vérités spirituelles n’y sont pas totalement oubliées. En Inde en particulier, beaucoup de gens regardent encore comme leur bien le plus précieux un intérêt pour une quête spirituelle. La méditation n’y est pas considérée comme une pratique bizarre et quelqu’un en robe monastique n’est pas regardé avec méfiance mais avec respect. C’est bien cela qui nous fascine, nous dont l’environnement est si pauvre spirituellement.

Recevons avec reconnaissance cette sagesse venue de l’Inde, d’abord avec le yoga et d’éminents maitres comme Ramana Maharshi et maintenant le bouddhisme dans ses trois écoles, Theravada, Zen et Tibétain.

On ne peut parler de cette rencontre Orient Occident sans souligner le rôle positif des femmes occidentales, des pratiquantes motivées qui reprennent à leur compte très sérieusement l’enseignement du Bouddha sans nécessairement adopter la robe monastique. Des Occidentales cultivées qui apportent leur contribution à l’étude et à la traduction des textes. En Occident, les laïques, femmes et hommes changent le bouddhisme, car ils croient dans le message du Bouddha, dans la possibilité de l’Eveil pour eux, ici et maintenant.

À propos du rôle essentiel de la pensée, il faut reconnaitre le rôle des superstitions et des croyances qui sont toujours actives en Inde et dans d’autres pays d’Asie. Rappelons pour mémoire que l’Inde, pays tellement spirituel, est aussi le pays où, au nom de croyances justifiées par la religion, un cinquième de la population est regardée avec mépris, ce sont des « parias » qui souillent tout ce qu’ils touchent. Les castes et les hors castes existaient déjà à l’époque du Bouddha, il a tenté en vain de les remettre en question, le bouddhisme a disparu de l’Inde, mais les castes sont restées. Le bouddhisme y reviendra peut-être par la voie des intouchables qui se convertissent pour échapper à cette malédiction d’être né hors caste. (voir à ce sujet le rôle du Dr Ambekar lors de l’indépendance de l’Inde)

La situation des femmes en Asie, particulièrement en Inde et en Chine, ne peut être ignorée, la mentalité patriarcale de domination n’y pas été transmutée par deux mille cinq cent ans de bouddhisme, c’est plutôt le bouddhisme qui en a subi l’influence, au point de placer des obstacles pour empêcher les femmes d’accéder à la vie monastique et aux enseignements. (Voir ce qui se passe dans le bouddhisme Théravada, nos propos sont plus que jamais actuels, lire)

Un drame à retardement attend l’Asie. On ne laisse pas vivre les filles. Il manque désormais des millions de femmes dans la balance démographique. Ces infanticides féminins ont pour origine la façon de voir la femme et l’homme, donc dans des idées, des pensées qui se traduisent en actes, avec des conséquences non encore pleinement mesurées à l’heure actuelle. (voir le film « un monde sans femmes«   ).

En Occident aussi, nous subissons, de façon différente, un conditionnement mental, un formatage de l’esprit qui fait de nos sociétés ce qu’elles sont. Pour s’en libérer, nous avons besoin d’exercer un esprit d’investigation et de questionnement.
C’est justement l’objectif de notre site, Bouddhisme au féminin, que de mettre en lumière les conditionnements qui s’opposent à notre avancement spirituel. Les obstacles sont à rechercher d’abord dans les idées que nous recevons, que nous forgeons et que nous transmettons.

Le Bouddhisme, c’est un outil inestimable de questionnement sur nous-mêmes, un questionnement actif sur nos mécanismes mentaux. Nous l’avons maintes fois répété dans ce magazine, n’acceptons rien sans l’avoir mis en question, aucune « tradition », aucun texte, même ancien. Nous mettrons alors en pratique ce que le Bouddha lui-même a enseigné.

Plus sur les femmes en Asie :

Il manque  cent millions de femmes en Asie

Mobilisation des femmes en Asie du Sud : quatre vidéos remarquables

Suicide de femmes au Népal

Tribunaux de femmes en Asie

L’exil des veuves

Rappelons-nous aussi que la reconnaissance de la valeur et des droits de chaque personne, de chaque individu est une notion spécifiquement occidentale, issue du siècle des lumières, grâce à laquelle la souffrance d’un(e) autre peut être entendue.
Dans l’hindouisme, le mot karma étouffe toute revendication de justice.
En Chine, le confucianisme érige en loi immuable et quasi divine un ordre où l’homme serait en haut et la femme tout en bas.
Dans le bouddhisme le concept d’anatta (le non-moi) est avancé dès que les femmes revendiquent une égalité de droits (qui serait de leur part « une manifestation de l’ego »).
Où est la compassion ? où est la compassion active, réelle, pas seulement des mots ? Où est la compassion pour des millions d’intouchables en Inde ? Pour les fillettes mariées trop jeunes, pour les veuves ? Et en Chine, dans ce pays bouddhiste, où se situait la compassion pour les petites filles chinoises durant un millénaire de pieds bandés ? Il a fallu la détermination de la femme chrétienne de Tchang Kai chek pour que soient prises des mesures énergiques qui ont permis de mettre fin à cette atroce coutume. Sans oublier la Thaïlande, pays où le bouddhisme est religion d’état, où est la compassion pour les jeunes filles promises dès leur enfance à la prostitution, une industrie nationale, tandis que l’ordination monastique leur est refusée ! Oui, l’Occident a à apprendre de l’Orient, mais l’Orient également a à apprendre de l’Occident.

Trois femmes de l’Inde

Nous vous avions déjà présenté une indienne remarquable lors du dernier numéro, il s’agissait de Vandana Shiva, une femme instruite, occidentalisée et engagée dans des combats pour la survie de la planète. Nous vous présentons deux autres visages de l’Inde, bien différents. Le premier, c ‘est l’Inde cruelle, sclérosée dans ses divisions de castes, écrasante pour tant de femmes. Une hors caste (une « intouchable »), Sampat Pal Devi, défend les femmes opprimées, en particulier les hors castes, comme elle. Les deux autres femmes sont le visage que l’on préfère retenir de l’Inde, son visage spirituel. Ma Ananda Mayi est la plus célèbre, elle a connu un parcours spirituel tout à fait exceptionnel puisqu’elle a présenté des signes de haute réalisation spirituelle dès son plus jeune âge. Arnaud Desjardins l’a rendu célèbre en Occident par son film « Ashrams », l’autre est Amma, qui embrasse le monde d’un amour sans limite.