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Women of the Way par Sally Tisdale

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7womenwayPratiquante américaine dans la tradition du bouddhisme zen, Sally Tisdale visite des monastères japonais, elle y découvre l’absence de toute référence féminine en matière de transmission et de modèles. Elle décide de reconstituer la lignée des « matriarches », des femmes sur la voie qui ont laissé un témoignage de leur réalisation spirituelle.

Cet ouvrage explore 2500 ans d’histoire du bouddhisme sous la forme de courtes biographies tirées de données historiques et mises en forme avec talent par Sally Tisdale.

un livre riche à méditer pour avoir une vision plus large de toutes ces femmes étonnantes, inspirantes et parfois poignantes, qui nous ont précédé sur la voie.

L’enseignement de ce numéro 7 du magazine est un extrait de ce livre

Extrait de l’introduction :

Il y a quelques années, je visitais Eiheiji, le temple Zen établi par Dogen en 1243 dans les montagnes du Japon rural. Je voyageai de temple en temple en compagnie de quelques autres pratiquants et de la personne dont je suivais l’enseignement.

Nous arrivâmes à Eiheiji un jour de festival, et il n’y avait personne de disponible pour nous recevoir. Le portier du monastère se précipita et revint accompagné d’un jeune homme appelé Taiken, un type un peu bizarre avec des verres épais et un anglais assez limité. Il nous fit visiter la partie du monastère ouverte au public puis nous fit visionner une vidéo touristique en anglais.

« Avez-vous des questions » demanda-t-il quand ce fut fini. La vidéo était pleine de magnifiques photos de moines marchant dans la neige et chantant à la lumière des cierges.

« Les femmes sont-elles admises à pratiquer ici ? »demandai-je, tout en sachant la réponse.

Dogen vivait à l’époque médiévale, il avait introduit un élément radical d’égalité au bouddhisme japonais. En effet, il avait été le premier à dire de la façon la plus claire que l’illumination et la réalisation bouddhique étaient possible à quiconque. Beaucoup d’enseignants chinois masculins avaient des femmes comme disciples, y compris des laïques, qui furent reconnues à leur tour comme des enseignantes et des maîtres. Mais Dogen est une figure emblématique particulière dans le monde du zen ; il est l’un des grands poètes de notre expérience intérieure, une personne d’une pratique rigoureuse et d’un intellect suprême.

Eiheiji représentait une tentative de la part de Dogen de créer un monde monastique parfait, alors qu’avaient lieu des bouleversements à la fois au Japon et dans le Bouddhisme. Il se retira dans ces montagnes isolées avec une poignée de disciples. A Eiheiji, il espérait que les « standards les plus purs » de la vie monastique zen puissent être enseignés et perfectionnés, et quand il vint, il amena avec lui à la fois des hommes et des femmes.

Aujourd’hui Eiheiji est un temple pratiquement uniquement dédié à la formation de jeunes japonais qui officient dans les temples du voisinage. Des invités peuvent séjourner quelques jours dans un batiment séparé. Officiellement, il n’y a aucune interdiction de pratique pour les femmes dans les temples de ce genre, mais les femmes n’y pratiquent pas. On y trouve également peu d’Occidentaux. Au grand portail d’Eiheiji sont inscrits deux citations de Dogen. Sur le coté droit est écrit : « Pratiquer ici est très difficile. Même une personne de haut rang ne peut franchir aisément cette porte. » Sur le côté gauche figurent les mots suivants : « Quiconque avec un désir sincère de pratiquer le Bouddhisme peut franchir cette porte librement. »

« Heu, eh bien, heu… » Taiken balbutia, cherchant une réponse à ma question directe. Les Japonais prennent des détours pour éviter de dire non directement, et cela embarrassait notre hôte de répondre simplement. La plupart des bâtiments d’origine de Eiheiji ont été détruits par le feu il y a bien longtemps. Le temple actuel est une vaste construction, superbement construite. Ses divers bâtiments, chacun destiné à un usage propre, sont reliés par des passages et des chemins serpentant entre de grands arbres et traversant un ruisseau. Il y a là beaucoup de place. « Officiellement, oui, répondit Taiken, mais nous n’avons pas d’installations adéquates. « 

Poursuivre mon questionnement était aussi impolie que l’avait été ma première demande. Mais j’avais un réel besoin de demander et d’entendre la réponse, même en la sachant. J’avais aimé Dogen depuis que j’avais lu ses premiers textes, bien avant de les comprendre. Eiheiji est un symbole de pratique intensive — ce que signifie une « pratique pure » selon Dogen — et de nombreux pratiquants du zen entretiennent l’idée de suivre la même voie et d’y séjourner même pendant un moment. Peu le font en réalité, en partie parce que Eiheiji répond principalement à des besoins locaux. Je ne voulais pas réellement pratiquer à Eiheiji — pas à mon âge et pas à cette étape de ma vie et de mon cheminement — mais j’avais eu cette idée. Le plus important, ce que signifiait la différence entre l’ouverture du coeur de Dogen et les portes fermées de Eiheiji me troublait profondément.

« Pourquoi demandai-je, pourquoi, dans cet vaste complexe de bâtiments, dans un temple qui date de plus de huit cents années, pourquoi disait-il qu’ils n’avaient pas d’équipement ? »

« Nous n’avons pas eu le temps de construire des sanitaires dit-il, un jour… »

Et, à ma grande surprise, je commençais à pleurer. Je ressentais un chagrin beaucoup plus profond et plus important que je ne le suspectais. Je ressentais une sorte d’outrage devant cette explication officielle, devant ce rejet habituel de la moitié d’entre nous de ce monde particulier.

Ce livre est un recueil d’histoires de femmes qui s’étire tout au long de l’histoire du bouddhisme, des vies de femmes qui sont cruciales pour nous en tant que bouddhistes et pratiquantes du zen en particulier. Beaucoup d’entre elles devinrent des maitres, leurs noms forment une chaine qui commence au temps du Bouddha et se déroule jusqu’au vingtième siècle.
Au temple où je pratique, leurs noms sont désormais chantés un jour sur deux, en alternance avec ceux des patriarches, en tant qu’ancêtres méritant notre attention et notre respect.

Quelques mots de Blanche Hartmann, Abbesse du San Francisco Zen center :

« Je n’ai pas pu reposer ce livre avant la fin. Depuis des années, même quand je chantais leur nom en expression de ma gratitude pour leur dévotion et leur détermination dans la pratique face aux difficultés qu’elles rencontraient, je ne connaissais ces femmes que de nom, et tout au plus quelques bribes d’information sur une poignée d’entre elles. Ce qui est si touchant pour moi, c’est que, dans un langage à la fois lucide et lyrique, Tisdale a tissé le peu de données que nous avons avec l’arrière plan historique de telle sorte qu’elle leur a donné vie — au point qu’à présent je sens que je les ai rencontrées face à face. Je suis reconnaissante également à ces hommes qui ont eu le courage de défier les conventions culturelles et d’accepter ces femmes comme leurs disciples, leurs pairs et leurs enseignantes.

Il faut savoir qu’il est d’usage dans le Zen de célébrer par un chant quotidien la lignée des « patriarches » qui nous ont précédé.
Dans plusieurs centres aux Etats-Unis, il est désormais habituel de célébrer en alternance (un jour sur deux) les « patriarches » et la lignée des « matriarches », c’est-à-dire ces hommes et ces femmes dont la réalisation spirituelle se révèle un modèle et un encouragement pour les pratiquant(e)s actuel(le)s.

Ci-dessous figurent deux possibilités de chant des « matriarches ». Nous vous invitons à diffuser ces listes et à pratiquer ces chants qui célèbrent des femmes éminentes du bouddhisme.

Voir une premiere version de ces recherches avec chant

Voir une seconde version de ces recherches avec chant