Accueil Enseignante(s) célébrée(s) du numero en cours Simone Jiko Wolf

Simone Jiko Wolf

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Mon nom est Simone Jikô Wolf. J’ai commencé à pratiquer la voie du Bouddha sous la forme du zen à l’âge de 25 ans. J’ai suivi mon maître, Taisen Deshimaru, au dojo zen de Paris, jusqu’à sa mort en 1982. Il fonda en 1979 le temple de la Gendronnière (premier temple zen d’Occident). En 2004, j’ai reçu la transmission du Dharma du Révérend Yuko Okamoto Roshi.

 

Aujourd’hui, je suis responsable du Centre zen Kobokudo, fondé en 1983 et situé au cœur d’une petite ville dans les montagnes neuchâteloises, la Chaux-de-Fonds, métropole horlogère, à 1’000 mètres d’altitude.

 

 

Je suis également, depuis 10 ans, l’abbesse du Temple Ryokuinzan Kosetsu-ji (à l’ombre de la montagne verte, le temple de la neige lumineuse) aux portes de la vallée de la Brévine, la Sibérie de la Suisse.

 

Depuis toutes ces années, je pratique et enseigne chaque matin au Centre Zen, regagnant ensuite le temple de Kosetsu-ji qui accueille ceux qui aspirent à mieux se connaître, à se familiariser avec leur véritable esprit, leur vraie nature.

Tous ceux qui cherchent à résoudre le problème de leur vie, le problème de la souffrance; tous ceux qu’interpellent les valeurs du bouddhisme, un idéal très élevé qui englobe éthique, morale et non-violence naturelle, qui n’est rien d’autre que souplesse et ouverture de l’esprit.  La sagesse et la compassion.

Tous ceux qui s’intéressent au zen, non pas le zen à la mode (déjà passé de mode…), mais au zen qui est expérience directe, zazen, posture d’éveil du Bouddha Shakyamuni, posture au-delà de toute mode… même si, bien sûr, on reste souvent en-deçà. Seul ce qui se continue éternellement est toujours au-delà.

Je dirige également des retraites (sesshin) à l’étranger et au Temple zen de la Gendronnière, berceau du zen en Europe, qui fut dirigé depuis la mort de mon maître par ses anciens disciples. En 2017-2018, la fonction d’abbesse de la Gendronnière m’a été confiée. Un progrès énorme dans l’histoire du bouddhisme qui, comme toutes les autres religions, n’a guère favorisé la reconnaissance des femmes dans les fonctions à responsabilités.

 

Au 13ème siècle pourtant, Maître Dôgen effaça la différence entre homme et femme. Dans le « Raihai Tokuzui » l’un des chapitres du Shôbôgenzô, il dit :  » Homme et femme sont identiques. La Voie peut être réalisée aussi bien par un homme que par une femme. Il faut respecter de manière égale leur réalisation du Dharma. Ceci est un principe fondamental de la suprême Voie du Bouddha. Qui que ce soit, qui pratique et réalise la vraie Voie du Bouddha, même une petite fille de 7 ans, sera le parent compassionné de tous les moines, nonnes et êtres vivants. Dans le Sutra du Lotus, il est dit que la fille du Roi des Dragons devint nonne. Elle dut être respectée comme tous les bouddhas et Tathagathas. Ceci est la pratique et l’attitude traditionnelle de la Voie du Bouddha. Ceux qui ne savent pas cela et à qui manque la vraie transmission, sont dignes d’une grande pitié. »

 

Un enseignement de cette ampleur équivalait pour moi, jeune, issue d’une culture d’un monde patriarcal chrétien, à une ouverture vertigineuse à partir de laquelle le quotidien était à réinventer sans cesse, le monde à revisiter hors de ses conventions étroites ; un enseignement d’une ampleur qui m’invitait à revoir, à expérimenter dans « mon siècle » une vie communautaire, un vie simple, une vie de nonne, une vie sans prise en charge, riche de l’unique richesse de se suffire à soi-même, une vie interconnectée à l’univers, pour le bien de tous les êtres.

Tôt le matin, s’asseoir, tout est là, rien ne manque. Bouddha n’est pas à l’extérieur, il est la véritable nature de toutes les existences et, lorsque toutes les caractéristiques personnelles sont abandonnées, dans la pureté silencieuse de la solitude, se tisse d’instant en instant, au-delà de Bouddha, au-delà de toutes les religions, la véritable liberté qui s’exprimera naturellement dans nos actions.

 

Mon Maître m’a donné le nom de Jiko, « lumière de la compassion ». Quel kôan (énigme) pour moi qui n’avais alors aucune sagesse, hormis un certain bon sens comme héritage parental, et une empathie encore assez narcissique qui me fit me noyer souvent ! « Ô saisons, ô châteaux  » disait le poète.

« Ô miroir » – qu’est-ce-que la compassion, celle, dépouillée de toute émotivité, de toute culpabilité, de toute projection, celle qui permet de s’accepter pleinement afin de pouvoir accepter pleinement les autres ?

Si le mépris de vous-même s’élève, comment alors respecter véritablement les autres ? Si le sentiment de frustration vous envahit tout entier, comment la gratitude pourrait-elle s’exprimer ?

Si contre vous-même la haine s’élève, comment la compassion pourrait-elle se manifester ?

Comprendre que le déni de soi est le déni de l’existence elle-même et, chaque jour, rien de spécial, chaque jour mettre subtilement en route le non-faire dans nos actions les plus simples, se laver le visage, marcher, s’asseoir, accomplir spontanément ce qui doit être fait  –  faire passer les autres avant soi.

Dans la nature, tout se déploie sans cesse naturellement, les fleurs, les arbres, les montagnes, la brume et la rosée, les choses sont comme elles sont et le monde est parfait tel quel. Le « tel quel » « inmo » selon l’enseignement de Maître Dôgen, dans le 17ème chapitre du Shôbôgenzô (tome 5 de Yoko Orimo, éditions Sully).

 

Aujourd’hui est un grand jour, le grand jour de la naissance de la première abbesse d’Italie. 
Pour que la naissance se produise, la volonté personnelle n’est pas suffisant. Il faut que les meilleures causes et conditions se trouvent réunies. C’est surtout dans le non faire que le faire véritable peut d’actualiser, se faire,  où le fruit de la maturation peut véritablement prendre corps.
J’ai connue Marosa Agnoli, devenue la nonne Myoko, il y a fort longtemps, lorsqu’elle accompagnait le moine Taiten Fausto Guareschi, disciple de Maître Taisen Deshimaru, au temple de la Gendronnière, Zendonienji (le paradis des nonnes comme aimait l’appeler le maître).
Nous avions l’âge où notre foi dans la Voie du Bouddha n’était pas exempte de nos rêves de jeunesse, rêves mondains, rêves d’amour pur et sincère, et il a fallu beaucoup, beaucoup de coups, de lâcher prise, de larmes et de rires pour permettre à certaines passions de tomber comme la passion des jouets tombe pour les enfants, pour que nous arrêtions de séparer la vague, grande ou petite, de l’océan.
Aujourd’hui est le grand jour où l’océan porte la vague jusqu’au rivage afin que les vertus du Bouddha s’accomplissent pour le bien de tous les êtres. C’est l’art de prendre soin, l’art de l’amour universel, porté par la grande sagesse du cœur.
Un pas de plus dans l’histoire est franchi. »
Jiko S. Wolf

Voir son site Zen-soto.ch

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