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Satomi Myodo

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Nous n’avons pas d’image de Satomi Myodo, mais c’est ainsi que nous pouvons l’imaginer à la fin de sa vie mouvementée et déterminée qui l’a mené à la réalisation de son désir le plus cher : atteindre l’illumination.

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Elle a écrit son autobiographie spirituelle : Journey in search of the way, traduite du japonais et commentée par Sallie King. Ce testament est une source d’inspiration pour les pratiquantes.

Elle commence ainsi : « Cette année 1956, je suis une vieille nonne de soixante ans. Pendant quarante ans j’ai pérégriné en quete de la Voie. Et bien que durant ce temps, j’ai voyagé, visité des enseignants et reçu toutes sortes d’instructions, je n’arrivai pas à atteindre la paix finale. Les vicissitudes de la vie me tourmentaient, ce que voulait, c’était la Voie de la Vérité, la Voie capable de mettre fin à toute souffrance.
Ainsi je suis venue à Tokyo et gràce à un merveilleux lien karmique, je suis venu recevoir un enseignement au temple Taiheiji, j’y ai été guidé par Yasutani Roshi. Chaque mois, il m’a été permis de participer à une sesshin au temple Shinkoji. A la deuxième sesshin, je suis heureuse de dire que j’ai réalisé l’essence réelle du Bouddhisme, autrement dit, j’ai réalisé ce à quoi les enseignements vivants du Bouddha se réfèrent… »

Satomi Myodo est née à Hokkaïdo, dans une zone rurale. Elle déplore le conditionnement de l’école où elle va et à la fin de ses études secondaires, se rend à Tokyo pour y poursuivre ses études. Par ignorance de toute contraception, elle se retrouve enceinte et revient pleine de honte dans sa famille qui l’accueille sans jugement. Elle sent alors bourrelée de remords d’avoir déçu son père. Elle accouche d’une petite fille et épouse le père de l’enfant qui vient la rejoindre chez ses parents. Elle a une deuxième fille. Les problèmes relationnels entre son mari et ses parents mettent fin à leur relation.

Quand elle veut repartir seule pour Tokyo, ses parents gardent sa première fille, elle emmène la seconde qui n’est encore qu’un bébé et qu’elle doit laisser seule toute la journée parce qu’elle doit gagner sa vie et qu’il n’y a aucune structure d’accueil. Quelques semaines plus tard, son mari vient récupérer l’enfant que sa propre mère va prendre en charge. Le père de Satomi, présent lors de la confrontation, lui conseille de laisser partir l’enfant parce qu’elle est mal équipée pour s’en occuper. La perte de son bébé conduit alors Satomi à une dépression nerveuse.

Alors qu’elle envisage d’aller vivre dans un temple près de son oncle, sa logeuse de Tokyo, Goto-san, la pousse à une carrière de comédienne Kageki (troupe d’actrices jouant tous les rôles y compris masculins dans des pièces de tradition samouraï). Elle s’y essaie pendant un temps, mais n’y trouve pas l’épanouissement qu’elle cherchait. Elle noue une relation avec Ryo-Chan, un jeune homme envers qui elle éprouve une tendresse quasi maternelle.  Mais ses aspirations spirituelles la poussent à chercher autre chose.

Elle entreprend alors d’étudier le shintoisme et de devenir miko, c’est-à-dire chamane au service de la communauté.  Elle reçoit un enseignement très strict et se soumet à toutes sortes d’austérités pour développer des pouvoirs psychiques.

miko
miko

Quand elle est reconnue comme miko, elle revient à son village pour y exercer et se consacre à revitaliser économiquement la région, une manière de retrouver un statut aux yeux du groupe social auquel elle appartenait. Mais elle ne trouve toujours pas le bonheur et la paix auxquels elle aspirait.

Quand elle s’engage dans le Zen, son expérience comme miko Shinto et religieuse Zen sont un aperçu du mélange des deux religions dans le Japon moderne.

Elle va persister dans sa quête de l’illumination pendant des années, acceptant  n’importe quel travail pour survivre.  Elle veut même mendier selon la tradition bouddhique, s’attirant ainsi la critique de son amie dans le dharma Hayakawa-san.

Hayakawa-san est une véritable amie pour Satomi. Elles pratiquent ensemble et vont tisser le lien précieux de sœurs dans le Dharma.

Pour saisir la vérité de l’enseignement du Bouddha, elle assiste à des conférences, étudie des textes et médite. Elle suit plusieurs enseignants : Ro Shensei qui lui apprend le Koan sur « Mu » … Joten Roshi qui  la fait participer à des sesshins de zazen … Shibata Sensei qui enseigne le dharma de façon plus universitaire et enfin Yasutani Roshi, qui lui donnera la tonsure  religieuse en reconnaissance de l’atteinte du satori.

Nonne dans le bouddhisme zen
Nonne dans le bouddhisme zen

Dans toute l’Asie, les sociétés insistent sur trois rôles pour les femmes: la fille respectueuse, la femme effacée et obéissante et la mère nourricière. La vie de Satomi Myodo est à l’opposé de ces trois rôles, elle en éprouvera un sentiment de culpabilité et d’échec qui la poussera à trouver dans le Zen la réponse à son insatisfaction existentielle.

Face à l’idéal de la fille respectueuse qui remplit toutes les espérances paternelles, elle se décrit comme un «diable» parce qu’elle ne peut accepter l’hypocrisie des adultes concernant les pratiques éthiques et  sa méfiance à l’égard de leurs mensonges, y compris ceux de ses parents.
Elle éprouve un terrible remords pour l’ignorance qui l’a conduite à une grossesse hors mariage et pour le chagrin qu’elle a ainsi causé à son père. (Jamais elle ne mentionne sa mère ni ce que celle-ci pouvait dire ou faire).

Ses parents sont plutôt atypiques pour la période Meiji. Ils n’avaient qu’un enfant, une fille. Avoir un fils et y investir toutes les énergies et les attentes c’est le schéma habituel de la famille asiatique. En tant qu’enfant unique, Satomi a reçu  l’investissement, les attentes et les rêves de ses parents, ce qui a certainement constitué un fardeau de responsabilités pour elle.

En revanche, elle a eu l’occasion, rare pour une fille de la campagne, d’aller  étudier à Tokyo après l’école secondaire. Ses parents n’ont pas insisté pour qu’elle se marie comme la majorité des familles japonaises l’auraient fait. Par la suite, ils se sont occupés de sa  première fille quand Satomi est retourné à Tokyo avec le bébé.

Le second rôle attendu des femmes est celui d’épouse docile et effacée. Satomi écrit qu’elle a noué une relation avec son mari pour se venger des hommes que le directeur de l’école primaire appelait  « des bêtes sauvages ». Toutefois, quand il vient à Hokkaido, et l’épouse, elle écrit qu’il était «solide et pur de cœur.  » Ce sont des problèmes entre lui et ses parents qui mirent fin à leur relation. Quelques années plus tard, sa relation avec Ryo-Chan ne peut se poursuivre en raison de l’appel spirituel qu’elle ressent. Ainsi, Satomi a éprouvé un certain sentiment de défaite dans ce rôle  aussi.

Le troisième rôle d’une femme en Asie est la maternité. Satomi Myodo a donné naissance à deux enfants. Or elle laisse l’aînée à ses parents quand elle veut revenir à Tokyo et son mari lui prend son bébé. Là aussi, dans ce rôle considéré par la société comme le plus gratifiant pour une femme, elle a dû avoir un sentiment de faillite.

Dans le contexte de la société japonaise, elle a été une rebelle parce qu’elle a refusé de suivre un autre chemin que le sien, même si ce chemin était accidenté.  Elle a montré les capacités nécessaires pour devenir une miko reconnue. Elle n’a pas eu peur de dormir dans une cabane loin de tout ni de mendier l’enseignement  d’un maître zen. Elle a voulu atteindre le satori, et elle l’a atteint.Elle n’a  jamais renoncé à frapper jusqu’à ce que la porte s’ouvre. En fin de compte, par la pratique de zazen, Satomi a trouvé la paix et la joie. Toute pratiquante ne peut que s’émerveiller de sa détermination.

Voir son enseignement sur la sincérité