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Le sati en Inde ou le bûcher pour les veuves

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satiEn relation avec le thème de ce numéro sur la rencontre entre Orient et Occident : un article par Sanal Edamaruku

Le 6 Août 2002, Kuttu Bai est morte dans les flammes du bûcher funéraire de son mari. C’est arrivé dans le village de Tamoli Patna près de Bhopal dans le Madhya Pradesh. Il y a eu plus d’un millier de témoins oculaires, mais il semble extrêmement difficile d’établir les détails de la mort de Kuttu Bai. Ce dernier cas de sati est entouré d’une conspiration du silence. L’administration locale l’appelle « suicide »; le gouvernement de l’Etat n’exclut pas qu’il s’agisse d’un meurtre, probablement pour une question de propriété (Kuttu Bai avait cinq acres de terre à son nom), mais précise qu’il ne s’agissait pas de sati. Rien n’a donc été enregistré auprès de la Commission du Sati (Prévention) datant de 1987.

Il y a plusieurs versions de l’évènement qui a suivi la mort de Mallu Prasad Nai, un coiffeur âgé de 70 ans, dans la nuit du 6 août. Tôt le matin, un appel anonyme avait alarmé la police de Sahela qu’un sati allait avoir lieu. On ne sait pas si les deux policiers en service se sont précipités immédiatement en moto au lieu indiqué, ou s’il leur a fallu deux heures pour faire huit kilomètres. Quand ils sont arrivés, ils ont trouvé une foule de plus d’un millier de personnes assemblée autour du bûcher et une femme âgée bouleversée, debout près des flammes. Les policiers ont déclaré que la foule l’avait engagée à sauter dans le feu. Quand ils ont tenté de s’interposer, les villageois sont devenus violents et ont commencé à lancer des pierres vers eux, pendant que Kuttu Bai était rapidement mise dans le feu. Les policiers, l’un d’eux étant blessé, ont essayé de lui venir en aide mais ils ont été attaqués brutalement et ont dû fuir pour sauver leur vie d’après leur rapport. Quand le collecteur du district est arrivé deux heures après, Kuttu Bai était morte depuis longtemps.

La police a arrêté 15 personnes pour accusation de meurtre, avec parmi eux deux de ses enfants Ashok Kumar (35 ans) et Raj Kumar (26 ans), et onze autres pour avoir agressé la police. Pendant ce temps, de plus en plus de personnes des villages voisins se sont rassemblés, autour de 8000 finalement. L’histoire de la mort de Kuttu Bai a changé rapidement. Ils ont essayé de l’empêcher en vain de se brûler elle-même ont protesté ses voisins, ses enfants et belle-filles, elle a été comme « possédée », déterminée à mourir, rien ne pouvait l’arrêter. Ils n’ont pas osé l’arrêter, ont déclaré d’autres personnes, car elle était déjà devenue la déesse Sati Devi. Elle fut ensuite glorifiée pour son saint sacrifice et les gens des villages voisins se sont attroupés pour rendre grâce au sati dans les temples.

Les déclarations des autorités embarrassées disant qu’il ne s’agissait que d’un meurtre ou d’un suicide, comme aucune cérémonie religieuse n’a eu lieu pendant la crémation, ont été infirmées par ces témoignages. De plus, l’histoire de l’endroit ne laisse pas beaucoup de latitude pour les interprétations. Ce n’est pas le premier sati dans cette région pauvre du Bundelkhand. Sur les 150 dernières années, cinq cas certains de sati ont eu lieu dans le village de Tamoli Patna, le premier en 1865, le dernier il y a 52 ans.

Le sati, la crémation publique d’une veuve sur le bûcher funéraire de son mari, est interdit en Inde depuis 170 ans. Ceci est principalement dû au réformateur social Raja Ram Mohan Roy, qui avait initié une campagne virulente contre le sati au Bengale au 19ème siècle. Il avait impressionné l’universitaire et poète Henry Vivian Derozio, qui fut l’un des fondateurs du mouvement rationaliste en Inde. Derozio a écrit un poème unique et émouvant sur le sati, qui avait été lu par la femme du Gouverneur britannique de l’époque Lord William Bentick. Madame Bentick fut capable de convaincre son mari que la politique de non-intervention, que les britanniques avaient choisi concernant les conflits sociaux en Inde, était inhumaine. Lord Bentick invita Raja Ram Mohan Roy et fit un décret en 1829 qui disait qu’au nom de la Couronne britannique le sati devait être interdit. Approché par des riches indiens conservateurs qui lui dirent que c’est une vieille tradition en Inde de brûler les veuves, il répondit simplement: c’est une vieille tradition anglaise de pendre les meurtriers de veuves!

Initialement, la tradition du sati existait uniquement chez les Rajputs durant la période Mughal. Le janhar de masse, une forme de suicide de groupe, a été fait par les femmes des guerriers vaincus en sautant de la muraille d’un château dans un feu allumé plus bas, probablement pour sauver leur honneur et éviter l’humiliation dans les mains des envahisseurs victorieux.

Cependant, au cours du temps, la coutume devint largement répandu dans d’autres groupes de personnes, principalement à cause du traitement extrêmement cruel que la société hindoue réserve aux veuves. Même aujourd’hui, les veuves sont souvent victimes de crimes sociaux, violées et punies par le rejet social. Le sati est souvent demandé par la belle famille, qui tire profit de l’élimination de l’héritière supplémentaire des biens du mari. Il y a des lois comme celle sur le remariage des veuves destinées à garantir les acquis des jeunes veuves, mais l’hostilité sociale contre les veuves demeure encore actuellement bien réelle.

Dans les dernières années, la tradition inhumaine du sati semble revivre silencieusement. En 1987, le sati de Roop Kanwar âgée de 27 ans devint une affaire nationale. Elle est morte à Deorala, une petite ville du Rajastan entre Delhi et Jaipur, devant des milliers de témoins – mais il n’a jamais été établi si elle avait sauté héroïquement dans le feu ou si elle y avait été jetée par ses gendres. 39 personnes ont été arrêtées et accusées de meurtre après une très importante pression des médias – mais tous ont été rapidement acquittés. Le gouvernement a saboté le procès de façon évidente pour des raisons politiques. Le 13ème jour après la mort, malgré la venue de la Haute Cour sur le site, 300000 personnes ont assisté à une cérémonie religieuse en son honneur. Depuis, malgré les interdictions, le flux de visiteurs sur le site ne s’est jamais interrompu.

L’Association Rationaliste Indienne, dans une lettre au Premier Ministre de Madhya Pradesh, Digvijay Singh, a demandé une enquête sur l’affaire. Tous les officiels responsables de l’échec à interdire le sati doivent être suspendu, demande la lettre, et à part le Code Pénal Indien, le décret de la Commission du Sati (Prévention) de 1987 doit être complété. Même les témoins peuvent être arrêtés selon cette loi.

Pendant ce temps, la Commission Nationale des Femmes a envoyé une équipe pour enquêter au village de Tamoli Patna. Le Premier Ministre a ordonné une action disciplinaire contre les employés du gouvernement présents au village et a infligé une amende collective aux résidents. Le panchayat local ne recevra pas d’aide financière pour les deux prochaines années, a-t-il annoncé.

Source : Traduction de la lettre électronique de Rationalist International, numéro 101, 20 août 2002

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