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Mon passage à la Demeure sans Limites

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Je traînais depuis quelques mois une certaine lourdeur qui ne m’était pas connue, et voilà que soudain émerge le besoin très fort de faire une pause, d’arrêter la machine, de mettre les pendules à zéro, pour tenter de redémarrer autrement. Je pouvais faire une longue marche, mais non il m’en fallait plus. C’est alors que ressort de ma mémoire « la Demeure sans Limites », oui c’est ça, c’est exactement le lieu où il me faut aller.

Le pont entre moi et ce lieu, c’était les écrits de Joshin Sensei dans le magazine « La Vie », lecture occasionnelle mais chaque fois très sensible ; et puis ce monastère qu’elle avait créé me semblait particulier ; pour moi quasi ignorante du Bouddhisme, amoureuse du massif central , de la nature, une vieille ferme en Ardèche sans signe distinctif extérieur, c’était aussi un pont.

Il y avait néanmoins une part d’inconnu énorme, que se passe-t-il dans cette maison ? la méditation, l’assise ?, je n’ai jamais pratiqué et, plus même, ça me semblait inaccessible pour moi si active, si pleine d’énergie et plutôt « engagée » dans les questions du monde. Mais la fracture était là, je voulais m’arrêter, alors c’était le moment.

J’y ai passé huit jours, je voulais profiter pleinement de cette dernière semaine d’ouverture en période estivale. Les premières vingt quatre heures ont été terribles ; j’ai cru m’être trompée de destination, mon corps souffrait, mon esprit aussi ; zazen c’était un bombardement dans ma tête, à quoi cela servait-t-il ? et puis ce manque de contact entre nous, avec Sensei également, toutes ces règles, ces rites à intégrer, j’étais renvoyée à la petite fille qui n’arrête pas de se faire remettre à sa place, moi indépendante, moi adulte à mon âge…

Et puis et puis et puis.., j’ai décidé de tenir le cap, de jouer le jeu, de me couler dans ce chemin ; j’ai vite ressenti que les souffrances, les difficultés n’étaient rien à côté de ce que je recevais et qui s’installait peu à peu, s’ancrait en moi.

Ce lieu, ce moment n’étaient pas comme ceux que j’avais pu connaître. Quelque chose de totalement nouveau se passait là. Il m’était arrivé quand j’avais eu besoin de faire une pause , pour me recentrer, me « recueillir » (mot qui a sens pour moi), d’aller dans un monastère chrétien. Mais je me heurtais le plus souvent à cette croyance en Dieu que je ne partage pas, (ne partage plus), les mots, les rituels alors me heurtaient, je ne pouvais partager ce recueillement, j’étais renvoyée à ma solitude, quand pourtant…

Là j’ai trouvé ma place, j’ai pu vivre pleinement ce temps de pause et, plus même, j’ai été nourrie. Je n’ai pas rencontré d’obstacles, rien ne m’a heurtée, même si j’étais étrangère aux mots, aux codes, au rituel. J’ai pu partager le temps dans tous ses instants, toutes ses formes, au delà de ma propre solitude.

Après quatre ans de retraite heureuse, plutôt très active , j’étais venue avec une question « Où est aujourd’hui l’essentiel dans ma vie ? Quels choix faire dans mes engagements écolo/politico /sociaux ?… » Je suis repartie en ayant découvert que mon premier chantier serait dans les tâches quotidiennes, que donner de l’attention aux tâches ménagères – cuisine, nettoyage, sanitaires – (tâches que je néglige), c’était aussi important que m’occuper de mon potager. Depuis trois jours que je suis revenue chez moi, mon regard est nouveau, mes gestes sont nouveaux.

Monique R

 

Source : Bulletin (Daishin) de La Demeure sans limite