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La parentalité engagée comme pratique spirituelle par Leslie Davis

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Pendant des années,  Leslie Davis a estimé qu’elle était trop occupée à être mère pour pratiquer correctement la tradition du «bouddhisme engagé» de Thich Nhat Hanh. Finalement, elle a découvert que la parentalité était une forme de bouddhisme engagé.

Lorsque j’ai découvert la pratique bouddhiste, j’ai tout de suite vu sa similitude avec la parentalité. Les deux pratiques partagent les mêmes principes de base pour mener une vie éthique. Il nous est demandé de transformer la souffrance. Nous pratiquons la non-violence, la parole affectueuse et une écoute profonde. Nous nous engageons à ne pas nuire, à protéger nos enfants contre l’inconduite sexuelle et à pratiquer une consommation consciente. En tant que pratiquante bouddhiste, j’essayais de respecter ce code d’éthique, mais je voulais aller plus loin. Mon rôle de mère me semblait l’endroit idéal pour commencer.

À l’époque, mes deux adolescents n’étaient qu’un bambin et un bébé. Je m’asseyai en méditation quand je pouvais, mais ce n’était pas souvent. Après ma première retraite au monastère de Deer Park, j’ai eu l’inspiration de faire de ma parentalité consciente ma pratique quotidienne. J’ai essayé de me rappeler de respirer pendant que je changeais les  couches, ramassais des legos et remuais des flocons d’avoine. Je nettoyais consciemment  la pâte à modeler et les essais de peinture, en essayant de ne pas me plaindre du désordre. Je voulais que mon rangement serve de toile de fond à la prochaine création de mon fils. C’était difficile au début. Suivre mon souffle m’a aidé à reformuler mes plaintes en gratitude. Je pouvais sourire au cadeau et au privilège d’avoir un enfant en bonne santé, créatif et désordonné.

Vous ne pouvez pas rester dans une salle de méditation et être  parent.

Mais c’était épuisant d’être attentive tout le temps. Je n’y arrivais pas. Au lieu de cela, j’ai expérimenté des espaces de de temps courts. Je mettais un minuteur et j’apportais autant de présence au moment présent que possible pendant seulement 15 minutes. Et puis je m’arrêtais. C’était tout ce que je pouvais faire. Je me suis donné beaucoup de marge de manœuvre et la permission de ne pas pratiquer la pleine conscience de manière parfaite. C’est une pratique après tout, et je devais continuer à pratiquer, embrassant mes imperfections alors que je trébuchais.

J’ai commencé à apprendre ce que mon enseignant bouddhiste, le maître zen Thich Nhat Hanh, a appelé le bouddhisme engagé. En se référant à la guerre du Vietnam et à sa tradition de bouddhisme socialement engagé, Nhat Hanh déclarait: «Le bouddhisme engagé n’est que du bouddhisme. Lorsque des bombes commencent à tomber sur les gens, vous ne pouvez pas rester dans la salle de méditation tout le temps. « 

J’ai trouvé la même chose pour le rôle parental: vous ne pouvez pas rester dans une salle de méditation et être parent. Vous devez être dans les tranchées avec le moment présent.

Pendant des années, j’ai pensé que je ne pratiquais pas le «bouddhisme engagé» parce que je n’étais pas aussi active sur les plans politique, social ou environnemental que je le souhaitais. Être mère de deux enfants, l’un ayant des besoins spéciaux, a pris la plus grande partie de mon énergie. Je portais sur moi-même le jugement dur et persistant que je n’en faisais pas assez. Mais finalement, j’ai réalisé que, jour après jour, mes enfants me demandaient que je sois  et d’être dans le moment présent. Thich Nhat Hanh a déclaré: «Le bouddhisme engagé est le genre de bouddhisme présent à chaque instant de notre vie quotidienne. Pendant que vous vous brossez les dents, le bouddhisme devrait être là. Pendant que vous conduisez votre voiture, le bouddhisme devrait être là. Pendant que vous marchez dans un supermarché, le bouddhisme devrait être là.

Le bouddhisme était là alors que j’aidais mes enfants à se brosser les dents. Pendant que je pratiquais le covoiturage, faisais les courses, rattachais des chaussures et essuyais des nez. En tant que mère, chaque moment est une occasion de pratiquer. La parentalité était ma pratique spirituelle, et la parentalité est en effet une forme de bouddhisme engagé.

Thich Nhat Hanh dit également qu’être un bouddhiste engagé, c’est être connecté à son souffle et être présent à chaque instant de la vie quotidienne. Pour les parents, le mot «chaque» est un défi de taille. Je n’essaie pas d’être présent à chaque instant. J’essaie simplement d’être aussi présente que possible pendant le plus de moments possible. En pratiquant de cette façon, je suis plus connectée à moi-même et à mes enfants. Je ressens plus de joie. Lorsque j’oublie d’être consciente à des actions individuelles, des journées entières s’échappent dans le brouillard. Lorsque cela se produit, j’éprouve des regrets et de la culpabilité. Quand le bouddhisme est là, je souffre moins.

La méditation a approfondi ma capacité à accepter ce qui se passe réellement avec ma famille au lieu de me focalise sur la façon dont je préférerais que les choses soient. Quand les enfants sont jeunes, la qualité du moment peut changer de saveur et d’intensité assez rapidement. Lorsque la colère a éclaté et que de la nourriture a été jetée, des cris inévitablement ont lieu. J’ai utilisé mon souffle pour m’ancrer et j’ai essayé de calmer tout le monde. Cela ne fonctionnait pas toujours, c’est sûr, mais avec la pratique, les enfants rappelaient bientôt à tout le monde de prendre une profonde respiration.

«Le bouddhisme a à voir avec votre vie quotidienne, avec vos souffrances et avec les souffrances des gens qui vous entourent. Vous devez apprendre à aider un enfant blessé tout en pratiquant une respiration consciente. Vous ne devriez pas vous permettre de vous perdre en action. L’action devrait être méditation en même temps », dit Thich Nhat Hanh.

Si je reste connectée à ma respiration et que je réponds avec attention au travail à faire à la maison et que je lutte avec un handicap, mes actions sont une belle méditation.

Les enfants et les adolescents souffrent et leur souffrance est bien réelle. Ils ont besoin de notre action et de notre soutien pour faire face à leurs propres expériences difficiles. En tant que mère, j’ai l’occasion de voir chaque jour mes actions sous forme de méditations. Si je reste connecté à ma respiration et que je réponds avec attention au travail à faire à la et que je lutte avec un handicap, mes actions sont une belle méditation.

«En tant que pratiquant·e·s de la pleine conscience, nous devons être conscient·e·s de ce qui se passe dans notre corps, nos sentiments, nos émotions et notre environnement. C’est le bouddhisme engagé. Le bouddhisme engagé est le genre de bouddhisme qui répond à ce qui se passe dans le ici et maintenant », déclare Thich Nhat Hanh.

Cette prise de conscience du corps est tellement importante pour les parents. Sommes-nous privés de sommeil? Sommes-nous dans la douleur physique? Sommes-nous tristes ou seul·e·s? Que se passe-t-il juste maintenant dans notre environnement, que nous soyons au travail ou au supermarché? Etre plus en phase avec ces conditions nous permet de répondre plus consciemment à nous-mêmes et à nos enfants.

Quand je m’assieds et médite sur mon coussin, je peux apporter la qualité de ma méditation dans ma vie quotidienne. L’essence même de l’expérience assise – la conscience, la présence, le calme – continue dans ma pratique de mère. C’est à la base de la façon dont je me traite moi-même, mon époux et nos enfants. Lorsque je pratique la parentalité engagée, je la ressens comme une pratique spirituelle profonde qui me procure de la joie et transforme ma souffrance.

En tant que parents, nous pensons peut-être que nous n’en faisons pas assez, mais un comportement parental attentif suffit. «La meilleure façon de prendre soin de l’avenir est de prendre soin de l’instant présent», explique Thich Nhat Hanh. En prenant soin de nos enfants dans le moment présent, nous nous occupons de l’avenir. C’est le bouddhisme engagé.

Source Lion’s roar Mars 2019  Traduction Bouddhisme au féminin

Leslie J. Davis est une écrivaine qui pratique la méditation et la pleine conscience dans la tradition du Village des Pruniers de Thích Nhất Hạnh. Elle vit à Ojai, en Californie, avec son mari et ses deux adolescents. Leslie est la fondatrice de DharmaMamas.com, une communauté de mères attentives.