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L’accompagnement spirituel des mourants par Sofia Stril-Rever

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accompagnerL’accompagnement spirituel des mourants n’est pas une démarche contemporaine. Depuis l’Antiquité, toutes les traditions religieuses préconisent une assistance spirituelle, avant et après le dernier soupir. Une pratique qui, chez les bouddhistes, revêt une importance toute particulière.

L’ ‘accompagnement spirituel a une histoire qui trouve son origine dans la tradition chrétienne. Les jésuites le pratiquaient déjà au XVIIe siècle sous l’impulsion de saint Ignace qui avait assigné comme mission à la Compagnie de Jésus « d’aider les âmes », en latin adjuvare animas, pour le plus grand service de Dieu. Des exercices de l’âme, fruits de l’expérience spirituelle de saint Ignace, étaient prescrits par l’accompagnant qui aidait la personne accompagnée à « discerner les obstacles » et s’en libérer. En 2004, l’accompagnement s’est développé considérablement avec l’ampleur prise par le mouvement des soins palliatifs. Même si cet accompagnement n’est pas systématiquement qualifié de « spirituel » dans le milieu hospitalier résolument laïque, la dimension spirituelle du malade est toutefois profondément respectée. Et l’accompagnement reste ce chemin partagé entre l’accompagnant et l’accompagné, tel que l’avait instauré la Compagnie de Jésus. C’est en ces termes par exemple que s’exprime une des principales associations d’accompagnement des personnes en fin de vie : « L’accompagnement est un terme très global dont la signification est d’être présent et d’aider tout au long de la fin de vie par l’ensemble des ressources thérapeutiques, soins techniques, soutien psychologique, aide morale, réponse à des besoins spirituels. » L’erreur serait d’assimiler le spirituel et le religieux. Certes, dans l’histoire, la démarche spirituelle n’a existé qu’à l’intérieur d’une tradition religieuse. Toutefois au-delà des rites, des dogmes et des représentations religieuses, on pourrait définir le spirituel comme l’espace non codé où chaque individu s’interroge sur le sens de sa vie et de sa présence au monde.

Verbaliser sa souffrance

A ce jour, les besoins spirituels s’entendent comme l’ensemble de toutes les aspirations que le processus de la fin de vie intensifie : désir d’infini, d’universel, de retrouver les siens dans l’au-delà. Le spirituel est aussi une force qui accompagne la recherche de sens, l’effort pour se relier à un « tout autre » vers lequel nous tendons, quel que soit le nom que nous lui donnions. Dans ce travail de sens, le spirituel a une valeur thérapeutique qui peut nous libérer de nous mêmes dans l’ouverture et l’espérance. La démarche spirituelle favorise l’épreuve du passage car elle convertit l’angoisse en confiance aux tout derniers moments qui précédent la mort et s’inscrivent dans un mouvement de séparation et de communion. Dans un récent congrès sur les besoins spirituels des patients en fin de vie, les participants ont insisté sur la notion de soin spirituel et défini une « logique de soin spirituel de la part des soignants et des non-soignants accompagnant le malade », avec des missions spécifiques pour les soignants et les non-soignants. Les conclusions du congrès ont précisé que « Pour apporter une aide spirituelle à un malade en fin de vie, le soignant doit être au clair sur ces questions, avoir une très bonne capacité de communication, être capable de manifester de l’empathie et être désireux de s’engager avec le mourant dans toutes les dimensions qu’il est en train de vivre. »

L’accompagnement spirituel est un chemin que l’on fait avec la personne malade ou en fin de vie, pour l’aider à verbaliser si possible sa souffrance et lui trouver un sens. Chacun donnera du sens à sa souffrance, selon ses croyances ou sa voie spirituelle. On peut accompagner cette recherche de sens sans forcément partager les convictions de l’autre, en progressant à ses côtés, dans l’écoute et le partage. Donner un sens à la souffrance délivre de la révolte et de la colère qui sont une charge de souffrance supplémentaire. Un des drames de notre société est que sept jeunes de 14 à 25 ans se suicident tous les jours, tandis qu’à l’autre bout de la vie, 75% des personnes dont le pronostic vital est engagé dans une maladie grave ou incurable, réclament une euthanasie. Suicide et euthanasie sont liés par la chaîne du désespoir. Quand la vie n’a plus de sens, comment la mort pourrait-elle en avoir un ?

Compassion et bouddhisme

Le rapport avec la souffrance, la maladie et la mort sont au cœur des enseignements bouddhistes. La pratique de la méditation nous apprend à accueillir notre souffrance, la transformer et accompagner la souffrance d’autrui. A travers notre programme d’accompagnement spirituel, nous tentons de faire connaître le message de l’enseignement du Bouddha et des maîtres spirituels contemporains, notre expérience et notre démarche pour une prise en charge plus juste de la souffrance dans la maladie et la fin de vie. Le programme Maitreya de la compassion est fondé sur les enseignements de lama Zopa Rinpotché concernant la méditation du Bouddha de médecine et les différentes méthodes de guérison spirituelle, présentées dans le livre « La Guérison ultime » (à paraître aux Editions Vajra Yogini). Nous avons entrepris de développer un réseau d’accompagnement spirituel en région parisienne, inspiré de la pratique du Bouddha de Médecine. Notre groupe se réunit chaque mois pour une journée de pratique, d’enseignements par des maîtres spirituels et de rencontres avec des professionnels du soin ou des formateurs à l’accompagnement. Ces journées sont ouvertes aux soignants, à ceux qui vivent une relation d’accompagnement, dans une structure de soins ou à titre privé, et à toutes les personnes intéressées. Des rituels, des pratiques de libération d’animaux et des prières bouddhistes sont faits à la demande des malades et de leurs familles, pour les malades et les défunts.

Conscients de la demande et de l’importance d’une réponse adaptée, inspirée de l’éthique et des valeurs humaines de l’enseignement bouddhiste, nous étudions également la faisabilité d’un réseau bouddhiste de soins palliatifs en région parisienne. Il s’agit d’un projet à long terme, nécessitant la réunion de nombreux intervenants à des niveaux de compétence multiples, sur le modèle des réseaux créés à l’initiative de lama Zopa Rinpotché, sous forme de maisons médicales, (hospices en anglais), qui proposent une assistance médicale et un accompagnement spirituel bénévole, 24 heures sur 24, dans plusieurs pays du monde.

Sofia Stril-Rever

Source : jmaes.free.fr

Voir le thème du numéro : Notre départ de ce monde