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Bouddhisme et Franc Maçonnerie par Ida Radogowski

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Je suis depuis plus de vingt-cinq ans deux démarches spirituelles qui me semblent complémentaires et peu habituelles : le bouddhisme et la Franc-Maçonnerie.

J’ai rencontré le bouddhisme bien avant la Franc Maçonnerie et les deux démarches me semblent similaires et très complémentaires.

Ce sont deux voix spirituelles qui chacune à sa façon, aspirent à l’Universel, proposent une libération de l’Etre et exaltent la Sagesse. Elles ont toutes deux pour but de réaliser le retour à un Principe incréé et éternel.

Elles proposent toutes deux :
– une tradition et la transmission de la Connaissance
– une connaissance de soi
– une initiation
– une recherche de la vérité dans une approche non dogmatique.
– tolérance et éthique

Ce qui m’a attiré dans le bouddhisme est une phrase clé du Bouddha:
« Ne croyez surtout pas, parce que c’est moi qui vous le dit, mais parce que, par vous-même, vous aurez expérimentalement, vu et mis en pratique mon enseignement, et que, par vous mêmes, vous en aurez vu les résultats ».

Cette approche est non dogmatique, c’est bien du libre arbitre que l’on parle. Je suis censée « penser et exister » par moi-même, cette parole a eu une très grande résonance en moi.

Le pragmatisme du Bouddhisme, c’est le comment je fais ? Par la méditation, notamment, nous apprenons à voir de l’intérieur, à dépasser le dualisme, à comprendre que l’Autre c’est moi, et que si je fais du mal à mon voisin, je me fais du mal à moi-même.

Si le Bouddhisme et la Maçonnerie sont complémentaires, elle ne peuvent se remplacer mutuellement. Je continue à assister à des tenues et des travaux de Loge tout en faisant certaines pratiques bouddhistes : méditation, enseignement, récitations de mantras…. A la lumière du bouddhisme je peux d’une certaine manière voir le travail en Loge avec un angle d’ouverture différent.

La récitation d’un mantra est un moyen de protéger le mental de la discursivité. L’apaisement du mental permet une ouverture du coeur et de l’esprit.

La maçonnerie a mis sur pied un ensemble de doctrines, de rites, de symboles, qui sont l’esprit même de ce qu’il y a de meilleur dans la tradition occidentale – l’apprentissage du travail en commun, notamment, est relativement spécifique et en tous cas relativement nouveau par rapport aux techniques de méditation.

Un rite est composé de symboles que je regrouperais en trois grandes familles :
– des gestes ou des postures auxquels appartiennent les signes d’ordre des maçons ou les mudras des bouddhistes
– des paroles ou des sons : tels que les mantras bouddhistes ou les invocations maçonniques
– des figures ou des objets : les mandalas bouddhistes et les tableaux des loges
Cette classification correspond à des attitudes du corps, de la parole et de l’esprit.

Similitudes également concernant les symboles : l’usage du symbole est fondé sur une analogie naturelle qui rassemble et synthétise là où la pensée analytique découpe et fige. Le symbole renvoie à des significations multiples, hiérarchiquement superposées et surtout, qui ne s’excluent pas entre elles, comme cela se produit dans la pensée conceptuelle qui fonctionne toujours par oppositions. La polyvalence du symbole en fait le véhicule par excellence des enseignements métaphysiques, qui sont toujours mutilés par un langage univoque et plat, tandis que le langage symbolique rend justice à la complexité vivante des plans superposés qui constituent le monde.

Le symbole, de façon pragmatique, possède la propriété précieuse d’exprimer des données intellectuelles riches et complexes, et d’animer les éléments affectifs et instinctuels. Bien utilisé, il peut ainsi réaliser l’unité de l’être humain.

Il est possible de faire des analogies entre les rituels bouddhistes et maçonniques :
– les serments d’allégeance,
– les signes d’ordre et les chakras
– le secret comme discipline protectrice et comme symbole du caractère ineffable de la réalisation spirituelle
– les rituels de purification de la personnalité antérieure profane,
– la transmission d’influences spirituelles par des instruments qui associent les deux principes spirituels complémentaire : le maillet, le compas ou l’épée dans la maçonnerie, le vajra et la cloche dans le tantrisme.

Un autre point commun est la LUMIERE  qui tient une place importante dans les deux démarches : en maçonnerie nous sommes les filles et les fils de la lumière et en Bouddhisme nous parlons de la Claire Lumière, celle vers laquelle nous tendons. Ce terme de Claire Lumière est utilisé dans le Vajrayana (voie tantrique et véhicule plus ésotérique du Bouddhisme tibétain) qui met l’accent sur la récitation des mantras, la visualisation des divinités et le travail sur les énergies subtiles. A l’intérieur du Vajrayana, il y a des enseignements appelés Dzogchen ou Grande Perfection, qui traitent de la pureté primordiale des phénomènes et de la présence naturelle des qualités du Bouddha en chaque être. C’est la vue ultime : l’union de la vacuité et de la conscience éveillée, de la pureté primordiale et de l’accomplissement spontané.

Ces deux démarches tendent vers une pratique opératoire identique : la transformation intérieure et la dissolution de l’ego et des illusions.

La Connaissance est un point essentiel dans les deux démarches spirituelles :
– En Loge nous avons accès à des doctrines, des symboles, et à différents rituels.
– Dans le Bouddhisme, l’accent est mis sur la Connaissance du fonctionnement de l’Esprit, notre esprit, qui ne se place pas sur le plan de la psychologie au sens où nous l’entendons mais sur celui de l’ontologie (science de l’Etre). La Connaissance de l’Esprit signifie la découverte de l’absolu et non l’analyse de notre psychisme. Si nous pouvons entrer en contact avec cette nature, nous pouvons résoudre tous nos problèmes.

Pour terminer, je dirais que la Franc-Maçonnerie et le Bouddhisme amènent un message universel : de paix, de liberté et de tolérance qui passe par la maîtrise de l’esprit. L’esprit n’est ni Tibétain, ni chinois, ni français. Il est commun à tous les êtres humains. Or, tout être a la possibilité de mieux comprendre son esprit et ses souffrances et de se libérer ainsi des entraves et des tensions intérieures qui le privent de liberté. Cette recherche renvoie à la psychologie, à la philosophie, à l’éthique, aux sciences cognitives, mais aussi à la méditation et à toutes sortes de pratiques spirituelles.

Dans un monde qui tend à l’universalité, il convient de rappeler qu’une humanité harmonieuse n’est possible que dans le respect des différences individuelles et culturelles.
C’est la diversité qui fait la beauté de l’unité.

Et je terminerais par cette citation du Dalaï Lama :
« Chacun de nos actes doivent avoir une responsabilité universelle et que pour avoir une vie heureuse et pleine de sens il nous faut cumuler une discipline éthique, une conduite saine et un prudent discernement ».

Ida Radogowski

Pour tous contacts ou échanges : ida.radogowski@wanadoo.fr

Ida en quelques mots : Je suis dans une  Obédience uniquement féminine et j’ai suivi les enseignements bouddhistes tout d’abord auprès de Maîtres tibétains puis actuellement et depuis quelques années dans le bouddhisme theravada-moines de forêt. Je continue des cours par internet avec l’IEB (Institut d’Etudes bouddhiques) sur l’Histoire du bouddhisme et ses différentes écoles.
Je dis souvent que trois choses m’ont beaucoup aidées dans ma vie :
– le bouddhisme pour l’ouverture du cœur
– le yoga pour le corps
– la franc-maçonnerie pour structurer mon esprit
Ces trois éléments sont imbriqués de telle sorte que je ne peux plus les défaire mais est-ce vraiment nécessaire ? Puisque j’y ai trouvé un équilibre et quelques fois une joie de vivre….
Je suis très heureuse de l’existence du site « Bouddhisme au féminin » car il permet une autre ouverture, les différentes écoles bouddhistes sont assez souvent « masculines ». Notre sensibilité voire notre fragilité, sont pour moi une « force » que nous devrions cultiver… car elles nous donnent une vision du monde très différente et nous permettent une plus grande ouverture vers les autres.

Notre commentaire : Rappelons que Alexandra Advid-Neel était franc maçonne.