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A l’école des mères; entretien avec lama Khédroup, mère et grand-mère.

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Lama Khedroup est une femme américaine, maintenant ordonnée nonne bouddhiste. Elle a commencé à étudier le dharma en 1983 sous la direction de Chögyam Trungpa Rinpoché, un grand lama tibétain installé aux Etats-Unis. Elle-même mère puis grand-mère, elle a été institutrice durant quinze ans. Ces dix dernières années, elle a effectué deux retraites de trois ans sous la direction de lama Guendune Rinpoché.

La relation entre une mère et son enfant est faite d’attachement, source de souffrance pour le bouddhisme : comment faire ?

Etre mère n’est pas un obstacle à la pratique spirituelle. La dimension spirituelle peut nous permettre de développer un regard plus vaste et plus compréhensif sur les difficultés rencontrées dans la relation entre la mère et l’enfant. Si nous avons l’intention de nous investir dans une voie spirituelle, la relation profonde qui nous relie à l’enfant est l’occasion d’un travail sur l’attachement et sur d’autres tendances. En adoptant une attitude d’ouverture et d’écoute, nous devenons vulnérable face à lui et c’est une chance de devenir plus lucide sur nous-mêmes. Souvent, nos enfants sont comme des miroirs qui nous renvoient nos défauts. Non seulement l’enfant n’est pas un obstacle à la pratique spirituelle mais il est celui qui nous invite à développer des qualités de patience, de générosité et de diligence. Cette relation intime avec l’enfant peut nous amener à clarifier l’égoïsme qui motive nos attentes et nos projections envers lui. Si nous reconnaissons la situation comme un enseignement, ce sera l’opportunité de pratiquer à travers nos difficultés et ainsi d’avancer sur un chemin spirituel. Eduquer un enfant est l’occasion de nous éduquer nous-mêmes.

 

Comment considérez-vous le fait d’être mère à partir de votre expérience du dharma ?

Les mères ont tendance à sous estimer toutes les ressources d’attention et de bienveillance qui sont les leurs. Si nous ne nous laissons pas complètement enfermer dans l’attachement, l’accueil d’un enfant génère en nous confiance et dignité. Etre mère est un réel entraînement aux qualités transcendantes du bodhisattva : la générosité, quand nous donnons sans compter notre temps et notre énergie auprès de notre enfant ; l’éthique, lorsque nous lui montrons comment se comporter de manière juste dans les différentes situations ; la patience, quand nous l’accompagnons malgré ses humeurs et ses difficultés ; et la diligence, car nous souhaitons ne jamais l’abandonner. La méditation, ajoutée à ces quatre qualités, va nous permettre de transcender notre saisie de l’ego. Pour trouver le temps de méditer, il faut pouvoir faire garder nos enfants. Cela peut être organisé entre les mères qui voudraient pratiquer ensemble la méditation.

 

Pouvez-nous nous définir ce terme de bienveillance que vous utilisez souvent ?

La bienveillance est au cœur de la démarche bouddhiste. La voie bouddhiste est fondée sur ce souhait d’être bienveillant envers tous les êtres, y compris nous-mêmes. Cela est possible car l’esprit, dans sa nature même, possède cette bonté fondamentale. Dans les enseignements du Bouddha, c’est à travers notre pratique de la méditation que nous allons découvrir cette attitude de bienveillance. On confond souvent bienveillance et laxisme. Le laxisme est une attitude confuse qui génère de la souffrance alors que la bienveillance apporte de la clarté dans nos actions. Dans le bouddhisme, la bienveillance est le souhait que tous les êtres rencontrent le bonheur et les causes du bonheur. Nous apprenons à discriminer entre les causes du bonheur et les causes de la souffrance. Le bonheur naît de la générosité et l’égoïsme est la source de toute notre souffrance. Cette compréhension, associée à la pratique de la méditation, nous permet de renouer avec cette bonté fondamentale. De cette bonté naît plus de clarté dans nos actions car elle inspire notre discipline intérieure et notre éthique de vie. Cet entraînement à la bienveillance sera une source de bienfait pour nos enfants et pour nous-mêmes.

 

Vous êtes l’initiatrice d’un groupe de rencontre et d’échange entre mères. Que pensez-vous que cela puisse leur apporter ?

Eduquer des enfants exige beaucoup d’attention et d’énergie. Parfois nous sommes débordées par nos émotions et donc moins à l’écoute de nos enfants, moins justes dans nos attitudes. Le groupe peut énormément aider une maman en lui offrant simplement deux heures de pause chaque semaine, dans une atmosphère d’échange amical. Que les personnes qui vivent des expériences similaires puissent s’entraider n’est pas étonnant ! Pour se libérer le temps de la rencontre, les mères s’organisent pour la garde des enfants. Echanger dans le respect mutuel et comprendre nos expériences à la lumière du dharma nous aide à réaliser que notre vie quotidienne de mère peut être amenée au chemin spirituel. Le groupe nous offre ainsi un cadre bienfaisant pour approfondir notre pratique du dharma et prendre soin de nous-mêmes et de nos enfants.

Un jour, je suis allée voir Lama Guendune Rinpoché avec ma mère. J’avais conscience du poids de l’attachement que nous avions l’une pour l’autre. Rinpoché nous a dit : « La relation entre une mère et son enfant est la relation la plus forte qui soit. Nous ne pouvons pas échapper à cette évidence dès lors que nous sommes maman. Cependant, nous avons le choix de faire de cet attachement une cause de souffrance ou une source de transformations bénéfiques. Grâce à ce lien, vous pouvez vous aider mutuellement et progresser ensemble. »

Source Dhagpo Kagyu Ling –