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Le visage féminin émergent du bouddhisme par Pithya Peay

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Si le Bouddha était né femme, les générations futures auraient-elles connu davantage ses sentiments intimes? Le chagrin qu’il a pu éprouver de grandir sans sa mère – qui est morte pendant l’accouchement – ou l’angoisse qu’il a dû ressentir quand, en tant que jeune homme, il a quitté sa famille pour chercher l’illumination?

Comme les grands prophètes du monde, le Bouddha a laissé un corps de sagesse qui a traversé les siècles, mais il a laissé peu de traces de sa vie affective.

De même que les féministes ont cherché à allier l’intime et le politique, un nombre croissant d’enseignantes américaines bouddhistes connectent le personnel et le spirituel. Dans les livres et les ateliers, elles s’expriment sur la manière dont leurs expériences émotionnelles de l’amour et de la souffrance ont façonné leur développement intérieur.

Par ce processus, elles humanisent le visage traditionnellement impersonnel du bouddhisme.

Par exemple, dans son livre classique « Quand tout s’effondre : Conseils d’une amie pour des temps difficiles», la nonne bouddhiste d’origine américaine, Pema Chodron, décrit comment la liaison de son mari et leur divorce ultérieur ont déclenché sa quête spirituelle. «Quand on me demande comment je me suis impliquée dans le bouddhisme», écrit-elle, «J’ai toujours dit que c’était parce que j’étais tellement en colère contre mon mari. La vérité, c’est qu’il m’a sauvé la vie. »

De même, l’enseignante Vipassana laïque Sharon Salzberg a écrit dans « Faith: Trusting Your Own Deepest Experience » comment une enfance déchirée par le désespoir – abandonnée par son père à l’âge de 4 ans et orpheline à 9 ans – l’obligea à chercher des vérités spirituelles après une enfance « recroquevillée dans son lit, perdue dans une existence fantômatique pleine de tristesse. »

Un cours sur le bouddhisme au collège sembla lui offrir un moyen de sortir de sa mélancolie. En lisant la Troisième Noble Vérité du Bouddha – la libération de la souffrance – elle écrivit qu’elle commença à entrevoir «la possibilité de me définir par autre chose que les luttes douloureuses de ma famille et son atmosphère de défaite. »

Elle prit l’étude du bouddhisme sérieusement lors d’un voyage en Inde, en appliquant l’histoire du Bouddha libéré de la souffrance à sa propre vie. Elle est maintenant l’un des professeurs en titre à l’Insight Meditation Society et du Center for Buddhist Studies à Barre, Massachusetts.

Alors que les pratiques bouddhistes ont sans doute joué un rôle dans la transformation des plaies douloureuses de l’enfance de Sharon Salzberg, cette dernière a en retour contribué par sa propre expérience en tant que femme occidentale contemporaine à certains aspects doctrinaux fondamentaux.

Prenons, par exemple, la philosophie bouddhiste du détachement, que beaucoup assimilent à se couper de ses sentiments. La compréhension qu’à Sharon Salzberg du principe de non-attachement est plus nuancée.

«Lorsque nous sommes sous l’emprise de certaines émotions comme la colère, la peur ou la jalousie, notre monde devient très rétréci « , dit-elle dans une interview. « Donc, l’enseignement ne consiste pas à les repousser, mais à être capable de ressentir ce que nous ressentons et ne pas perdre la perspective. La vigilance et le détachement, c’est être connecté d’une manière beaucoup plus importante justement quand nous sommes perdus.

Au début, elle pensait que de grandes réalisations dans la méditation ou de mémoriser les enseignements du Bouddha ferait d’elle une enseignante accomplie. Mais, alors que les gens se tournaient vers elle pour trouver une aide concernant « les stress et les tragédies » de leur vie, elle s’est rendue compte que c’était sa propre compréhension de la souffrance qui l’aidait à répondre à leurs besoins avec une véritable empathie.

Tara Brach, auteure de «Radical Acceptance: Embracing Your Life With the Heart of a Buddha », qui enseigne la tradition Vipassana à l’Insight Meditation Community de Washington, DC, déclare qu’elle évite délibérément d’utiliser le mot «détachement» dans ses écrits et son enseignement. Elle a déclaré que de nombreuses interprétations traditionnelles du bouddhisme favorisent une «aversion envers l’attachement et le désir» qui conduisent finalement à une « méfiance profonde du corps et des émotions, ou à l’idée que la vie elle-même est mauvaise.  »

Tara Brach dit que sa rencontre initiale avec les enseignements bouddhistes l’avait mise en conflit avec sa nature féminine, car ils semblaient dire que l’amour humain et se soucier fortement des autres étaient des obstacles qui la rendraient «moins libre» et qu’elle devait «se débarrasser de ses désirs et de ses besoins.»

Pourtant, au fil des ans, elle en est venu à comprendre que l’enseignement de base du Bouddha était que la véritable source de la souffrance survient «lorsque nous oublions notre Nature de Bouddha. L’essence même de ce que nous sommes vraiment. Et la Nature de Bouddha est amour et conscience».

Tara Brach et Sharon Salzberg disent qu’elles n’ont pas changé la tradition de base du bouddhisme. Au contraire, elles ont tourné leur attention vers un «courant féminin» de pratiques contenu dans le cadre du bouddhisme traditionnel qui avait été précédemment négligé.

Tous les deux, par exemple, travaillent avec la pratique de Metta, ou bonté bienveillante, qui a été au centre de toutes les écoles du bouddhisme à travers les siècles. « Aujourd’hui, cette pratique est en train de prendre racine en Occident, en particulier lorsqu’elle est élaborée et appliquée à des émotions et des relations difficiles» déclare Tara Brach.

L’une des raisons de ce changement vers des pratiques bouddhistes centrées davantage sur le coeur peut peut-être offrir une solution de guérison pour la société moderne qui met l’accent sur la réussite extérieure au détriment du bien-être intérieur.

Tara Brach, qui est aussi psychothérapeute, a déploré les souffrances qu’elle a vues chez ses patient(e)s causées par la «transe d’indignité» – la honte qui survient lorsque les gens ne peuvent pas se mesurer à des normes impossibles de perfection. « L’antidote à cela, c’est la qualité de la tendresse et de la réceptivité à la vie telle qu’elle est » dit-elle.

Sharon Salzberg a eu un échange similaire avec le chef spirituel du bouddhisme tibétain, le Dalaï Lama, quand elle a mentionné la haine de soi que beaucoup d’Occidentaux ressentent envers eux-mêmes. Elle se souvient qu’il a dit : « Qu’est-ce que c’est? » « Il était tellement choqué, il se demandait si c’était une sorte de désordre nerveux. »

« Il nous a regardé et il a dit: Mais vous avez la Nature de Bouddha ».

Parce que, selon l’enseignement du Bouddha, si vous savez qui vous êtes, vous trouverez une capacité d’amour et de compassion en même temps que la compréhension et la connexion et la liberté. Parce que la Nature de Bouddha est en chacun de nous», dit-elle.

Source : beliefnet.com Religion News Service – traduction Bouddhisme au féminin