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Un pas historique : 27 nonnes tibétaines passent l’examen de Geshé

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dec11india7Vens. Jampa Tsedroen, Tenzin Palmo et Thubten Chodron
rencontrent des nonnes tibétaines étudiant à l’Université centrale
des études tibétaines à Sarnath, en Inde, décembre 2011.

Les femmes bouddhistes célèbrent une victoire historique: pour la première fois dans l’histoire du bouddhisme tibétain, 27 nonnes se sont rassemblés dans le nord de l’Inde à Jamyang Choling, une nonnerie près de Dharamsala, et ont commencé leurs examens pour obtenir l’équivalent tibétain d’un doctorat, le titre de Guéshé. Pour comprendre l’impact et la portée de cet événement, il faut imaginer ce que ce serait si seuls les hommes avaient été jusqu’à présent autorisés à passer leurs examens de doctorat. Alors que de nombreux étudiants américains se préparent pour leurs examens finaux et pour la célébration de l’obtention de leur diplôme au cours de ces semaines, imaginez ce que cela serait si les jeunes filles en étaient exclues. Telle était la situation des femmes dans l’Himalaya et c’est sur le point de changer !

Alors, pourquoi est-ce une si grande affaire et pourquoi a-t-il fallu si longtemps ? Après tout, dans le monde occidental, le premier diplôme de professeur a été attribué à une femme dans une université européenne il y a près de 300 ans, en 1732. ( la scientifique Laura Bassi qui a enseigné la physique à l’Université de Bologne.) Et il y a plus de 2500 ans, le Bouddha lui-même a permis aux femmes d’entrer dans son ordre monastique et a ordonné sa mère adoptive, Mahaprajapati. Elle et 500 femmes partageant les mêmes idées avaient dû se raser la tête et marcher 350 miles pieds nus pour montrer leur détermination sans faille, avant que le Bouddha Shakyamuni n’accède finalement à leur demande — une décision révolutionnaire en Inde à l’époque. L’ordre monastique boudhique a été, avec l’orde des jaïns, un pionnier en Asie pour accepter formellement des femmes dans ses rangs.

Cela peut paraitre surprenant à beaucoup de gens que, malgré son image progressiste en Occident, la tradition bouddhiste tibétaine ne connaisse pas la pleine ordination pour les femmes, et donc que les femmes ne puissent pas accéder à l’ensemble de la formation monastique. Pour de complexes raisons historiques et patriarcales, la lignée d’ordination féminine n’a pas migré avec l’expansion du boudhisme de l’Inde au Tibet, gardant ainsi les nonnes tibétaines à un statut inférieur. Si elles veulent obtenir la pleine ordination, elles doivent se rendre dans des pays où la lignée chinoise d’ordination féminine est vivante. Elles y reçoivent l’ordination complète dans une lignée avec laquelle elles ne sont pas tout à fait familières. «La plupart des nonnes tibétaines n’ont pas les moyens de se rendre à Hong Kong ou en Corée», explique Jetsunma Tenzin Palmo, la nonne bouddhiste occidentale la plus ancienne aujourd’hui, dans le livre qui vient de sortir « Dakini power « , et même si elles pouvaient le faire, elles veulent être ordonnées dans leur propre tradition, par leurs propres lamas, dans leurs robes tibétaines. « Un effet secondaire de cette question est que les nonnes n’ont pas un accès égal à la formation monastique complète. Seuls les moines pleinement ordonnés peuvent étudier les règles monastiques (le vinaya) dans leur intégralité.

Le chef spirituel des Tibétains, le Dalaï Lama, est depuis longtemps été un défenseur de l’émancipation des femmes et a récemment réaffirmé avec enthousiasme que son successeur pourrait être une femme. Il a également insisté sur le fait qu’il doit y avoir un doctorat pour les nonnes bouddhistes tibétaines. « Je suis féministe « , a-t-il déclaré lors du Sommet de la Paixà Vancouver, « N’est-ce pas ainsi que vous appelez quelqu’un qui se bat pour les droits des femmes ?  » En Avril 2011, il a conseillé à l’Institut pour les études bouddhistes dialectiques (IBD) à Dharamsala, en Inde, de conférer le degré de «Gueshé» à la Vénérable Kelsang Wangmo, une religieuse allemande (anciennement Kerstin Brunnenbaum). Ce fut une étape historique : Traditionnellement, les diplômes de gueshés sont conférés aux moines après 12 années ou plus d’études rigoureuses dans la philosophie bouddhiste. Pour la première fois dans l’histoire, une nonne a obtenu ce diplome et, plus surprenant encore, une femme occidentale.

Au printemps 2012, le département de la Religion et de la Culture de l’Administration centrale tibétaine a convoqué une réunion spéciale d’abbés et d’universitaires qui ont décidé à l’unanimité que davantage de nonnes devaient être reconnues pour leurs réalisations académiques, une promesse qui est en train de devenir réalité. Les 27 nonnes qui passent actuellement les examens seront finalement récompensées pour plus de 20 années d’études avancées en philosophie bouddhiste et elles seront la première génération de femmes professeurs dans la tradition tibétaine.

Le Dalaï Lama a également soutenu publiquement la pleine ordination pour les nonnes et un accès égal à l’éducation. «Je pense qu’il est très important que les femmes s’efforcent de s’approprier tous leurs droits. Parmi la communauté des réfugiés tibétains en Inde, j’ai depuis de nombreuses années, défendu le côté féminin, le côté des nonnes « , a déclaré le Dalaï Lama.

Le Dalaï Lama souligne qu’il ne peut pas simplement dicter un changement — la totalité de la communauté des maîtres tibétains doit accepter de changer les règles traditionnelles. Par conséquent, une discussion générale doit traiter de la position des nonnes bouddhistes tibétaines. À ce jour, les nonnes doivent observer 98 préceptes de plus que les moines, y compris la règle qu’elles doivent obéir aux moines, qu’elles ne peuvent pas leur donner des conseils mais en recevoir, et que même la religieuse la plus haute doit encore prendre un siège plus bas que le plus jeune des moines novices. Jetsunma Tenzin Palmo doute sérieusement que ces préceptes supplémentaires aient été vraiment enseignés par le Bouddha et a étudié les raisons de croire qu’ils ont été ajoutés par la suite par des moines pour refléter la vision patriarcale sur les femmes à cette époque. Tenzin Palmo qui est née à Londres et s’appelait Diane Perry a connu par sa propre expérience les difficultés de suivre la voie bouddhiste en tant que femme occidentale. Ce qui a commencé il y a 2500 ans comme le plus révolutionnaire accueil des femmes à l’époque du Bouddha, s’est transformée en une aventure misogyne. « il est temps qu’ils se ressaisissent! » dit Tenzin Palmo ostensiblement quand je lui ai rendu visite dans l’Himalaya, « et qu’ils donnent aux nonnes leur pleine ordination ! »

Michaela Haas, Ph.D., est unE journaliste internationalE, conférencière et consultante. Elle est l’auteure de «Dakini Power: Douze femmes exceptionnelles modifient la transmission du bouddhisme tibétain en Occident » qui a été publié par Snow Lion / Shambhala en Avril dernier (2013).

Source Washington Post – Traduction Bouddhisme au féminin.

Les résultats des examens ont été publiés sur Facebook (merci Pema). 25 nonnes sur 27 on été reçues, un beau palmarès en vérité !

Sur ce même sujet, SS le Dalaï lama s’est exprimé en déclarant sans ambiguité que les femmes doivent prendre plus de place dans la société : voir cette vidéo (en anglais) :