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Deux beaux visages du bouddhisme féminin aux Etats-Unis

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Toni Packer

Depuis la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont toujours été en contact étroit avec l’Asie, à la fois en raison d’une proximité géographique et d’événements de nature historique (l’occupation du Japon après guerre, la guerre de Corée, la guerre du Vietnam). Des Américains ont pris le chemin des monastères japonais, d’autres ont rencontré et invité des maitres coréens et d’autres enfin ont largement participé à la diffusion du zen vietnamien.

Aussi, le bouddhisme fait-il montre aux Etats-Unis à la fois d’une grande vitalité et aussi d’une diversité plus grande qu’en Europe et notamment en France. Le questionnement, la mise en cause, l’esprit d’innovation, sont des comportements profondément enracinés dans la culture américaine, ce qui a permis au bouddhisme de prendre de nouveaux visages, parfois légèrement, et parfois très éloignés du modèle originel.

tonipackerPhilippe Kapleau fait partie des figures marquantes de l’histoire du bouddhisme aux Etats-unis. Il est devenu célèbre dans les années soixante-dix grâce à un ouvrage lu et traduit dans tout le monde bouddhiste zen occidental : Les trois piliers du Zen (the Three Pillars of Zen).

La voie qu’il a suivie auprès des maitres japonais Harada Roshi et Yasutani Roshi est la voie du koan pratiquée par la branche Rinzaï. Il a établi à Rochester dans l’état de New York, un centre qui existe toujours. L’enseignement a essaimé grâce à des disciples à qui Philipe Kapleau a conféré la transmission du Dharma, faisant d’eux ses « héritiers ».

Parmi les « héritiers » figurent précisément les deux enseignantes que j’ai rencontrées. Elles sont sœurs dans le Dharma, toutes deux des femmes remarquables avec un parcours très différent.

La plus âgée, Toni Packer, a fêté ses quatre-vingt ans en juillet 2007. Elle irradie un rayonnement spirituel qui demeure perceptible malgré la grave maladie dont elle souffre.

Elle est devenue célèbre aux Etats-Unis grâce à l’ouvrage de Léonore Friedman : Meeting with remarkable women.

A ce propos, Toni Packer m’a précisé la raison de l’écriture de cet ouvrage. Le livre de Rick Fields : How the Swans Came to the Lake qui retrace l’arrivée et le développement du bouddhisme en Amérique venait de paraître. Or, s’il abonde en figures masculines, on n’y trouve pas une seule femme, en dépit du fait que les femmes enseignantes sont nombreuses et remarquables !! Un oubli si répétitif, si significatif de cette attitude profondément ancrée dans l’imaginaire masculin : ce que font les femmes ne mérite pas d’être relaté, d’être admiré, d’être transmis…

Aussi Léonore Friedman s’est-elle employée à tracer le portrait d’une quinzaine d’enseignantes, un ouvrage qui a rencontré un succès durable parmi la communauté bouddhiste féminine américaine !

Pour revenir à Toni Packer, son cheminement est à l’image d’un questionnement qui ne s’est jamais interrompu. Elle a pratiqué de la façon la plus rigoureuse le Rinzaï zen durant de longues années au centre de Rochester. Puis, progressivement, elle a mis en question la forme japonaise de la pratique, d’abord la forme extérieure, puis finalement le principe même du koan. C’est durant cette période d’intense questionnement, qu’elle a découvert l’enseignement de Krishnamurti qui a résonné profondément en elle et finalement, elle a quitté le zen center de Rochester et créé il y a vingt cinq ans le Springwater center.

Toni Packer enseigne à revenir à l’immédiateté de l’expérience, au dela de toute verbalisation. Elle le fait d’une façon si informelle que cela constitue certainement un défi pour un mode de pensée traditionnelle. Elle refuse les hiérarchies si présentes dans le monde du zen, et même la notion d’enseignante et de disciple.

Elle continue, malgré son état de santé, à animer des retraites, mais aussi, elle a mis en place, depuis des années, des retraites où elle est présente en tant que simple participante, chacun(e) pouvant prendre la parole et exprimer ses propres compréhensions.

 

Sunyata Graef Sensei

grafsenseiL’autre disciple de Philip Kapleau, Sunyata Graef sensei que j’ai eu la chance de rencontrer est resté dans le monde du zen.
Son centre, le Vermont Zen center, est situé situé à Shelburn, à deux heures de voiture de Montréal.
L’endroit est superbe, une extension vient d’être terminée, le tout est d’un goût exquis, typiquement zen, mais avec, selon les termes de Sunyata Graf Sensei, une touche féminine pour compenser l’aspect trop samourai de la tradition.

En effet, le centre est dédié à Kanzéon, autrement dit, Kannon, Kwan-Yin, l’incarnation féminine de la compassion. Aussi trouve-t-on de nombreuses statues de Kanzéon, dont le pouvoir bienfaisant est évoqué chaque matin dans des chants partie en anglais, partie en japonais.

kanzeonautelL’approche de la pratique garde toute la rigueur du rinzaï zen. On sent le désir profond de Sunyata Graef Sensei de rester fidèle à ce qu’elle a reçu, tout en prenant en compte la nécessité d’une adaptation au changement de culture et de mentalités. Un superbe endroit de pratique.

Ci-dessus, les nombreuses et magifiques kanzeon de l’autel de la salle de méditation.

Toutes les deux m’ont frappé par leur rayonnement spirituel et c’était une grande chance de pouvoir les rencontrer. Michèle