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Milarepa

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Pour une fois, nous parlons d’un film qui ne traite pas des femmes et qui n’a pas été réalisé par des femmes, mais il s’agit du classique incontournable de la littérature tibétaine qui vient de sortir en DVD.

Deux DVD à dire vrai, l’un est le film proprement dit et l’autre comporte des enseignements de lamas tibétains dont Khandro Rimpoche qui est franchement la plus intéressante et la plus vivante de tous les intervenants.

Précisons que le film ne raconte que la première partie de l’histoire de Milarepa, si on ne le sait pas, c’est une déception.

Cette première partie retrace son enfance, la mort du père qui est d’un milieu aisé, le détournement de l’héritage par l’oncle, l’injustice faite à sa mère, à lui-même et à sa soeur, la misère extrême et l’humiliation. Le désir de vengeance de la mère, l’envoi de Milarepa vers un magicien pour apprendre des pratiques de magie noire, la vengeance proprement dire et le remords qui va tarauder l’apprenti sorcier et l’amener à chercher un maitre pour être délivré des conséquences funestes de ses actes.

Ce qui est bien, c’est que le film est fait par des Tibétains et non par des Occidentaux (qui auraient probablement rajouté des fabrications intello), du coup un respect strict de l’histoire. La réalisation très sérieuse et honnête nous permet de nous projeter dans ce Tibet du XIème siècle pour suivre cette histoire que l’on connait déjà mais que l’on redécouvre tout de même avec beaucoup d’intérêt.
Cela nous permet aussi de voir qu’au Tibet comme partout ailleurs, il y a des gens malhonnêtes, des gens honnêtes, des gens qui respectent les principes de leur religion et d’autres qui les ignorent, ce qui corrige un peu l’imagerie d’Epinal que les médias peuvent brosser du Tibet.

Il est juste dommage que le réalisateur ait cédé au charme funeste des jeux vidéos et ait abusé un peu des effets spéciaux au moment de la vengeance, c’était inutile et ça fait vraiment fabriqué. C’est la seule critique que nous ferons au film.

L’histoire de Milarapa inspire une réflexion, elle est un véritable enseignement en elle-même et c’est sans doute en cela que réside son succès dans le coeur des Tibétains. Milarepa est un être humain soumis aux mêmes passions et attachements qu’un autre être humain, il n’est pas un tulku élevé à l’abri derrière les murs d’un monastère, il vit même dans la misère et doit travailler dur pour manger, il est fiancé à une jeune fille, il est attaché à sa mère et à sa soeur.

Ce qui est intéressant, c’est qu’on peut tout à fait s’identifier avec le désir de vengeance qui habite le coeur de la mère face à quelqu’un qui, année après année, vous a spolié, se moque de vos souffrances et vous défie même d’oser l’affronter. Qui ne porterait pas dans le coeur une amertume face à cette situation ?

Or c’est une fois la vengeance accomplie que l’on touche du doigt que la vengeance n’apporte pas le bonheur. On a fait le malheur de celui qui nous a fait du mal et après ? La souffrance de l’autre ne tarit pas la nôtre, au contraire, on a seulement amassé plus de haine, Cela fait penser également au grand classique de la littérature populaire française : le comte de Monte-Cristo, toute l’histoire tourne autour des moyens à mettre en oeuvre pour arriver à punir les méchants. Et la fin tombe complètement à plat, car une fois que ces méchants sont été punis, Monte Cristo reste malheureux et seul car, contrairement à Milrepa, il n’a aucun support spirituel et ne tire aucune leçon de sa vie.

On attend donc avec intérêt la seconde partie qui verra la rencontre avec Marpa, la mise à l’épreuve, les séjours de pratique dans des grottes, la réalisation ultime, l’empoisonnement et la mort. Le réalisateur doit trouver le budget et les moyens, attendons-donc patiemment.

Une remarque sur la situation des femmes au Tibet à ctte époque. Le père se meurt, il transmet « tout naturellement » son « patrimoine » à son fils, à charge pour son frère de veiller sur celui-ci. Et sa femme ? et sa fille ? pas un mot, elles n’ont droit à rien, elles sont totalement dépendantes des hommes, même si elles passent leur vie à travailler. Une situation encore très courante dans de nombreux pays du monde.

Juste un rappel : (Source Banque mondiale – Voir le site adéquation)
Dans le monde, les femmes effectuent les 2/3 du nombre d’heures de travail et produisent plus de la moitié des aliments, mais elles ne gagnent que 10 % du revenu total, possèdent moins de 2 % des terres, reçoivent moins de 5 % des prêts bancaires.
Elles effectuent la majeure partie du travail domestique et de soins non comptabilisé dans l’économie. En Afrique subsaharienne, elles passent 40 milliards d’heures par an à l’approvisionnement en eau de la famille, ce qui équivaut à une année entière de travail de toute la population active de la France.
Lors des 30 dernières années 552 millions de femmes sont entrées sur le marché du travail et 4 travailleurs sur 10 sont des femmes mais elles gagnent en moyenne 80 centimes contre 1 euros pour les hommes (Rapport Banque mondiale 2012).