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Robina Courtin

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Robina Courtin (née à Melbourne en Australie le 20 décembre 1944) est une nonne bouddhiste dans le bouddhisme tibétain Gelugpa, la tradition et la lignée de Lama Thubten Yeshé et Lama Zopa Rinpoché. En 1996, elle fonde le Liberation Prison Project, dont elle s’occupera jusqu’en 2009.

Robina Courtin a été élevée dans la religion catholique, et durant sa jeunesse, envisagea de devenir Carmélite. Dans les années soixante, elle suit une formation de chanteuse classique à Londres où elle vivait alors. Au début des années soixante-dix, elle devient une militante féministe et travaille sur le droit des prisonniers. En 1972, elle retourne à Melbourne. En 1974, elle commence à étudier les arts martiaux, part à New York puis revient à Melbourne. En 1976, elle assiste dans le Queensland, à des enseignements bouddhistes donnés par Lama Yeshe et Lama Zopa.

En novembre 1977, Robina Courtin voyage jusqu’à Katmandou, au Népal pour étudier au Monastère de Kopan, où elle est ordonnée nonne bouddhiste. Elle devient directrice de la maison d’édition bouddhiste Wisdom Publications jusqu’en 1987, puis rédactrice en chef de la revue « The Mandala » jusqu’en 2000. Elle quitte « The Mandala » pour enseigner et développer le : « Liberation Prison Project. »

Le travail de Robina Courtin a fait l’objet de deux films documentaires, le premier de Christine Lundberg : On the Road Home (1998) et le second d’Amiel Courtin–Wilson Chasing Buddha (2000). Il est également exposé dans l’ouvrage de Vicki Mackenzie Why Buddhism? (2003). Le film de son neveu, Chasing Buddha, expose la vie de Robina Courtin et son travail avec les détenus dans le couloir de la mort dans le pénitencier de l’état du Kentucky. En 2000, le film fut récompensé par l' »Australian Film Institute ».

En 2001, Robina Courtin crée le pèlerinage « Chasing Buddha Pilgrimage », qui permet de visiter des lieux saints du bouddhisme en Inde, au Népal, et au Tibet afin de rassembler des fonds pour le « Liberation Prison Project ». Elle voyage et enseigne dans différents pays, les Etats unis et l’Australie principalement, mais aussi l’Europe, l’Inde, l’Afrique du Sud, la Colombie…

Plus sur sa biographie par elle-même (en anglais)

Entretien avec Robina Courtin, cet entretien date de quatorze ans, en décembre 2000

« Le Bouddha a dit, « Chérie, c’est toi qui crées qui tu es ». » J’aime beaucoup que la Vénérable Robina Courtin pense que le Bouddha m’appellerait chérie. J’aime aussi le fait qu’elle arrive en quelques phrases à me faire comprendre le concept de karma que j’essaye d’éclaircir depuis quelques années.

Si l’on se perd dans les méandres de la vie passionnante de la Vénérable Robina Courtin, on risque de perdre de vue qui elle est maintenant. Il se peut qu’elle ait été ceinture noire de karaté, l’une des filles d’une famille nombreuse catholique de Queensland, une partisane des Black Panthers, une lesbienne séparatiste féministe et bien d’autres choses encore. Et oui, comme le film dont elle est l’héroïne, Chasing Buddha, le montre bien, elle est toute petite, a un débit de mitraillette et peut jurer comme un chauffeur de camion/un politicien.

Mais tout ça c’est de la couleur. La substance est qu’elle est une nonne Bouddhiste et qu’elle l’est depuis 23 ans. Ses enseignements sont fantastiques. Parler avec elle, c’est soudainement comprendre ce que le Bouddhisme peut faire, ce dont il est capable. Cette théologie complexe devient logique. Elle est claire et directe. Elle sait ce dont elle parle et elle a trouvé sa passion dans le bouddhisme. Et sa compassion. Comme elle le dit elle-même : « Je sais que cela ressemble à un cliché, mais j’ai trouvé mon cœur. J’ai trouvé ce que je cherchais. J’ai trouvé ce que j’avais perdu. Je savais au fond de moi que j’avais finalement trouvé ce que je cherchais depuis 32 ans. »

Il y a une fascination permanente autour du monachisme et beaucoup de celle-ci tourne autour du sexe, ou de son absence. Nous venons d’une culture tellement attachée au sexe comme moyen de se sentir bien et nous sommes confrontés à des gens qui ne vivent pas de cette manière.

« Au bout de trois mois, le réalisateur de « Chasing Buddha » m’a dit que ma vie le déprimait un peu – il n’arrivait pas à voir comment je fonctionnais. Il ne savait pas ce qui me donnait du plaisir. Je pense qu’il met un accent particulier, comme le font beaucoup de gens, sur le fait que si vous n’avez pas un amant à qui vous confier et qui est le centre de votre vie, vous ne pouvez pas être heureux. Il me demandait constamment « êtes-vous seule ? ».

Avant même de devenir nonne, Robina avait déjà abandonné le sexe et la drogue. « Je me souviens de l’instant où j’ai pris ma décision. La décision d’embrasser une vie moniale. Cela va sembler cliché – le fait que je veuille me donner à tous – grandiose. Mais c’est exactement cette pensée qui m’est venue à l’esprit. C’était une évidence pour moi. En fait, j’étais soulagée de renoncer aux liaisons. »

Robina considère sa vie spirituelle comme une continuation de son travail politique : « Je peux voir que j’avais le souhait de participer à rendre le monde meilleur. Un idéalisme. Je suis toujours la même, c’est seulement que mes méthodes sont plus claires maintenant.

« Pendant des années j’avais totalement laissé tomber la spiritualité. Si vous êtes vraiment ultra-gauchiste, c’est naturellement ce que vous allez faire. Anti-religion et autres. Puis, après de nombreuses années d’activisme politique, je suis allée vers quelque chose de spirituel. J’ai vu clairement – j’en parle dans le film – que je ne pouvais accuser personne d’autre. Tous les hétéros, tous les blancs, tous les hommes, il n’y avait plus personne à accuser des maux du monde. Et brutalement je me suis sentie revenir à moi-même.

« J’étais une féministe séparatiste lesbienne radicale. J’’ai toujours été extrémiste. Mais je pouvais voir que je ne pouvais pas haïr la moitié de la race humaine. C’était totalement évident. C’était une position très forte. Cela a été très douloureux pour moi de réaliser que je devrais recommencer à aimer les hommes. »

Maintenant Robina fait plus qu’aimer les hommes. Elle leur montre de la compassion et s’engage avec eux d’une manière qui serait impensable pour beaucoup d’entre nous. Robina est la directrice du « Liberation Prison Project » aux États-Unis, qui veille aux besoins spirituels d’environ 400 prisonniers dans 150 institutions, leur envoyant des livres bouddhistes, leur écrivant, leur rendant visite, leur donnant des enseignements et des conseils. Certains de ces hommes sont dans le couloir de la mort ou sont condamnés à perpétuité et beaucoup d’entre eux ont fait partie de gangs noirs ou mexicains, aussi bien dans la rue qu’en prison. Elle espère étendre son travail aux prisons australiennes. Ce travail est à la base des conférences qu’elle donne actuellement partout en Australie.

Il y a une citation de Lama Zopa Rinpoche, Directeur du FMPT, l’organisation pour laquelle elle travaille, qu’elle répète souvent. Il a écrit ceci dans une lettre à un jeune ex-gangster condamné à la prison à perpétuité. « Votre prison n’est rien comparée à la prison des gens ordinaires : La prison de l’avidité de l’égo, la prison de l’attachement, la prison de la colère, de la dépression, de la fierté. » Robina est consciente du fait qu’une telle phrase puisse paraitre condescendante, mais elle pense que cette affirmation est « incroyablement vraie ». Tout comme le pensent de nombreux prisonniers avec lesquels elle travaille.

« La prison vous oblige à faire face la vérité de votre situation », dit-elle. L’environnement carcéral est une immense souffrance. Les sens sont niés, affrontés. Le bruit est inimaginable. Ces hommes ont l’immense désir de transformer leur esprit. » Elle parle longuement de ce concept, de l’importance de reconnaître la vérité à propos de sa propre situation, de se remettre sur pied et de continuer sa vie. « Lorsque vous êtes en accord avec la réalité, c’est merveilleux. »

Pour certains de ces hommes, adopter les préceptes du Bouddha de ne pas faire de mal aux êtres vivants signifie qu’ils ne peuvent plus faire partie des gangs en prison. Par conséquent, ils se placent dans une situation où ils n’ont plus de protection. Ils mettent leur vie en jeu pour continuer à pratiquer le bouddhisme. Ils peuvent le faire en partie parce qu’ils n’ont aucun problème à accepter la notion de karma.

Le karma est quelque chose qui coince avec moi. Je ne le comprends pas. J’ai du mal à y croire. Je le dis à Robina. « Quel est votre problème Sophie ? » me demande-t-elle. « Toutes les réponses sont là. Vous avez remarqué qu’on a tous peur quand on entend dire que nous sommes responsables de notre karma négatif, mais nous sommes très contents lorsqu’on nous dit que nous sommes responsables de notre gentillesse. Je pense que nous divisons le monde en victimes et oppresseurs. Nous nous imaginons tous que les choses qui nous arrivent proviennent de l’extérieur. Nous cherchons et trouvons quelqu’un à accuser. Le karma dit, « C’est vous qui êtes à blâmer ». Cela va au-delà de la mentalité victime/oppresseur. Le karma est la manière du Bouddha de nous expliquer comment nous avons été créés. C’est comme la conception de Dieu des Chrétiens. Si vous intériorisez cela, cela vous force à admettre vos responsabilités. »

La manière dont Robina présente les choses fait entendre que prendre nos responsabilités est ce qui va nous libérer, car nous ne serons alors plus à la merci des autres. Elle continue. « Pour moi, l’une des choses que j’ai le plus aimées lorsque j’en ai entendu parler a été le karma. C’est comme une ancre. Si je suis responsable, ça me force à changer. Je ne peux pas changer les fruits qui ont déjà éclos, mais je peux en tirer des leçons. Apprendre à partir de mes expériences est quelque chose que je trouve particulièrement savoureux. Vous êtes le fruit de vos propres actions passées. »

Je demande à Robina quelles sont les difficultés qu’elle a rencontrées en devenant nonne. Sa réponse, il me semble, confirme la mise à l’épreuve quotidienne de la foi des hommes avec qui elle travaille.

« Être nonne n’a pas été le plus difficile. La difficulté est d’être un être humain. Cela a été une épreuve pour moi, dès le premier jour. Être confrontée à mon énergie débordante, apprendre à connaître mon esprit. Apprendre à voir les parties qui m’étaient nuisibles, apprendre ensuite à travailler avec ça, les maîtriser et les changer. Apprendre à utiliser l’énergie positive. Cela n’a jamais changé. Et c’est ce que veut dire être Bouddhiste de toute manière. »

Source : cet article est paru le 9 décembre 2000 dans The Age, magazine australien, traduction Bouddhisme au féminin

Voir son travail dans les prisons sur ce site Buddhism in Prisons