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Peinture et méditation par Marie-Cécile Forget

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Centre Dammaramsi de Rivière

Au départ, en 1972, il n’y avait pas de conviction ni de croyance en quoi que ce soit ;  pendant une dizaine d’années, je consacre le meilleur de mon énergie à la peinture.

Après une première période difficile, celle du « Tronc d’arbre devant un mur »,  dont je sortirai aidée par une psychanalyse de cinq ans, je me tourne vers le paysage.  Ma peinture avait trouvé un nouveau souffle :  je pouvais m’exprimer tout en dépassant les limites de ma personnalité.

« Je vous encourage à continuer. Il y a dans votre peinture des forces vives qui ne demandent qu’à être menées vers la pureté. »[1]

Je me rends régulièrement dans la forêt, crayon en main, pour regarder, sélectionner, analyser. Il ne s’agit pas d’imiter la nature en se basant sur une conception arbitraire de la beauté, mais de s’y plonger à corps perdu, pour la découvrir vivante et non figée. Au début superficielle, la vision s’approfondit peu à peu et au bout d’un certain temps, l’on pénètre dans un monde plus subtil, affranchi des concepts : les fougères, les branchages, les herbes ne sont plus que formes, couleurs, rythmes à l’état pur, n’existant que dans l’instant présent, variables à l’infini.

4 - Printemps (acrylique)

Long voyage fait de tâtonnements et de détours, de confusion et de clarté. Ce sont les difficultés rencontrées au cours de mon cheminement artistique qui m’ont amenée à la méditation.

« Musique Zen » accompagnait souvent mes séances de peinture. Sur la pochette du disque, un moine en méditation… Je ne connaissais pas le bouddhisme, mais je pressentais qu’il y avait là quelque chose d’important.  En 1985, un premier week end vipassana confirme cette intuition. La clarté des enseignements du Bouddha va apporter un support doctrinal aux expériences que je mène intuitivement en peinture depuis longtemps.

Petit à petit, j’entre de plein pied dans cette pratique dont l’exigence me convient. Les retraites se succèdent sans jamais me décevoir.

« Asseyez-vous jambes croisées… dirigez votre esprit vers l’abdomen… maintenez votre attention pendant toute la durée du processus… observez de façon pénétrante… » Lorsqu’il est concentré, l’esprit voit à un niveau plus profond : les formes extérieures s’estompent pour faire place une réalité plus subtile: mouvement, chaleur, dureté, vibrations… et tout cela bouge sans arrêt.

Il y a des similitudes entre la peinture et la méditation : même type d’effort, mêmes espoirs, mêmes impasses ; d’un côté comme de l’autre, il s’agit de purifier sa vision par une longue et patiente observation de ce que l’on voit.

 

De la peinture à la méditation

Après les paysages « éclatés » où rien ne se reconnaît, où seule l’essence du sujet est représentée dans sa dynamique propre – chauds/froids, lourds/légers, vides/pleins… je reviens à l’image…

C’est après un séjour prolongé dans un centre de méditation du Myanmar que je peins pour la première fois des Bouddhas. Sagesse orientale et sensibilité occidentale… Le sujet se révèle une source d’inspiration riche et féconde.

Je les peins avec le cœur, mes Bouddhas et toujours inspirés d’oeuvres traditionnelles, pour éviter les dérapages.

Bouddha - vert

Interpellants pour les uns, sacrilèges pour les autres: visages tronqués, fragmentés, douloureux; formes méconnaissables, sans or ni sérénité… Mais où est-il le Bouddha?

L’arrière-plan sur lequel se profile l’image de l’Eveillé n’est pas le même en Orient qu’en Occident: société traditionnelle d’une part, avec ses modèles et ses idéaux encore intacts, débordant de dévotion. Société démantelée, écartelée, sans repères ni loi d’autre part.

Des Bouddhas parfaits, dorés, intacts? Non, il ne leur en faut pas aux Occidentaux. Ils ne le sentent pas de cette façon. Poussés par une nécessité intérieure, ils cherchent la lumière et aperçoivent dans les cendres de leur société éclatée, un morceau d’oreille, une amorce de sourire, des restes de dorure… « Allons-y » pensent-ils, il y a de la lumière…

Il doit être en chantier le Bouddha des Occidentaux, car c’est ainsi qu’il est, dans leur coeur.

 celui qui

« … De celui qui dans la bataille a vaincu mille milliers d’hommes et de celui qui s’est vaincu lui-même, ce dernier est le plus grand vainqueur… »[2]

Le Dhamma Group

Confiance, gratitude, respect …  Le Dhamma Group en est l’expression.

Cette association fut fondée en 1986 à la demande de mon premier professeur, le Vénérable Dr. Rewata Dhamma.  J’y transmets mon enthousiasme et ma conviction à tous ceux qui se montrent intéressés par l’enseignement du Bouddha.

Soutenue par des moines de haut niveau, dirigée par une équipe d’amis bénévoles, le Dhamma Group n’a cessé de croître ainsi que le nombre de ses sympathisants. Son but est d’accueillir, de protéger et de faire connaître le précieux enseignement du Bouddha.  Les soirées, les journées, les w.e. s’y succèdent tout au long de l’année. Cinq fois par an, des maîtres de l’école de Mahasi Sayadaw, répondent à son invitation et viennent y diriger des retraites intensives, dans la plus pure tradition théravada. La riche tradition vipassanā peut occuper  la place qu’elle mérite dans notre société.

* * *

C’est à ce carrefour de sagesse orientale et de sensibilité occidentale que je me situe.

« … N’oubliez jamais la peinture, elle éclairera toute votre vie… » Oui, cher Paul[3], elle a éclairé toute ma vie et continue à le faire à travers le Dhamma du Bouddha.

Aujourd’hui, à 72 ans, le pinceau a fait place au coussin mais l’artiste demeure. Pratiquer le Dhamma, en faire bénéficier la société est gratifiant et source de joie, pour soi-même et pour les autres.

Le Dhamma élève ma vie, le Dhamma éclaire ma vie.

Marie Cécile ForgetOuvrages traduits en français par Marie-Cécile Forget :
– « Dans cette vie même » (titre original « In This Very Life »)  Sayadaw U Pandita Ed. ADYAR 2003.
–  « Les quatre Fondements de l’Attention » (titre original « The Four Foundations of Mindfulness »Sayadaw U Silananda) Ed. « Dhamma Group » 2015.

Site internet : http://www.dhammagroupbrussels.be/)

Facebook : Vipassanā meditation – Dhammagroup

[1]    Commentaire anonyme, exposition à la galerie Tamara Pfeiffer, Bruxelles 1981

[2]    Dhammapada, verset 103

[3]    Paul Antoine (1922-2010), artiste-peintre, professeur à l’Ecole des Arts d’Ixelles, Bruxelles

Voir également sur notre blog Marie Cécile Forget reçue à Sagesses Bouddhistes en 2013