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Les nonnes tibétaines en lutte pour la reconnaissance de l’égalité des sexes dans le bouddhisme tibétain

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Les nonnes de L’institut Larung Gar, dans le comté de Sertar, dans la préfecture autonome tibétaine de Garze, sont en train d’oeuvrer activement pour que leur pratique soit reconnue avec le même statut ecclésiastique que leurs homologues masculins.

Larung Gar est le plus grand lieu de formation des nonnes (tibétaines) et a été fondé par le maitre Nyingma Khenpo Jigme Phuntosk (1933-2004) en 1980. Il a choisi ce site pour sa connection historique à la Tradition Vajrayana, qui avance que le premier Dudjom Rimpoche, Dudjom Lingpa (1835-1904) demeurait dans ce lieu avec ses treize disciples.

Une partie de l’institut est une « nonnerie » : Pema Khandro Duling Nunnery, et abrite entre 3500 et 4000 nonnes venues de tout le Tibet. Ici les nonnes peuvent étudier en vue du diplôme de Khenpo – un titre équivalent à un doctorat – qui vient juste de devenir accessible aux monastiques féminins, le titre féminin étant appelé Khenmo. À présent les femmes de l’institut se battent pour le niveau suivant, tenant des sessions sur le féminisme, étudiant ce que les moines conservateurs appellent un « concept occidental. »

Jetsunma Tenzin Palmo et Karma Lekshe Tsomo qui sont deux personnalités importantes du féminisme bouddhiste tibétain ont souligné qu’en plusieurs occasions des maitres éminents masculins ont offert une aide morale et pratique pour promouvoir l’instruction des femmes. Toutefois, dans une interview avec Buddhistdoor, Tenzin Palmo déclarait que, tandis que les autorités masculines sont tout à fait d’accord pour reconnaitre la nécessité pour les nonnes d’avoir davantage accès à plus de d’instruction, il y a beaucoup plus de réticences  à leur reconnaitre le rang ecclésiastique de « nonne pleinement ordonnée », autrement dit de bhikshuni. Des dizaines de milliers de moines ont le titre de bhikshu, lequel titre, comme celui de bhikshuni remonte à l’époque même du Bouddha. Toutefois, le titre de bhikshuni n’a jamais été transmis au Tibet  selon le Vinaya Mulasarvastivada.

Le 17ème Karmapa Ogyen Trinley Dorje a déclaré aux médias l’année dernière qu’il préparait des mesures concrètes pour restaurer l’ordre des nonnes dans la tradition tibétaine. « Quelle que soit la façon dont d’autres voient cela, pour moi, je pense que c’est quelque chose de nécessaire. Pour préserver les enseignements du Bouddha, il est nécessaire que la communauté soit quadruple : les gelongs (moines pleinement ordonnés), les gelongmas (nonnes pleinement ordonnées) et les laïques, hommes et femmes, qui respectent les préceptes. Comme le Bouddha l’a affirmé, la quadruple communauté représente les quatre piliers des enseignements. « 

C’est une perspective avec laquelle Xinde Shijiamouni, une pratiquante de l’Institut Larung Gar, est tout à fait d’accord. « Si vous regardez la loi bouddhiste, vous pouvez voir que les deux genres doivent être égaux. Mais nombreux sont ceux, à l’extérieur,  qui ne comprennent pas le Dharma et nombreux, à l’intérieur, qui choisissent de l’ignorer.

Les moines tibétains doivent faire face à la montée de cette revendication pour l’égalité des sexes. Tous ne le font pas de bonne grâce. « Les idées d’égalité des genres et le féminisme sont entièrement des concepts étrangers » a déclaré à l’AFP Wangchuk, un moine de 45 ans. « Le bouddhisme tibétain a des générations d’histoire et de tradition, nous n’avons pas besoin que des étranger·e·s s’en mêlent. »

Par contre, Pema, un lama plus jeune, âgé de 23 ans, affirmait: « C’est bien pour les nonnes d’étudier l’égalité des genres, le monde actuel est trop inégalitaire. Nous avons besoin que davantage de personnes oeuvrent à le rendre plus juste.

Beaucoup de nonnes à Larung Gar expliquent que seul leur exemple peut donner du poids à leurs arguments théoriques; aussi elles ont mis en place un programme de sensibilisation pour éduquer les femmes tibétaines des environs en matière de santé et d’hygiène. « Toutes les religions enseignent la compassion et l’aide à autrui, nous aidons ces femmes à améliorer leur santé » a confié sous couvert d’anonymat une nonne qui ajoute : ce n’est une question qui fasse controverse. »

Une autre nonne, souhaitant elle aussi rester anonyme déclarait : « Nous faisons cela car les nonnes ont été l’objet d’attaques depuis si longtemps. Nous devons enseigner aux femmes à se tenir debout par elles-mêmes.

Source : Buddhist Door  – Traduction Bouddhisme au féminin