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Kinh Tam, la jeune femme qui s’était cachée sous une robe de moine

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La tradition bouddhique dans le Sud-Est asiatique se transmet de différentes façons dans le peuple. Mimes, marionnettes, contes, chansons, danses sont autant de moyens d’expression pour transmettre, de génération en génération, les légendes et autres histoires fictives ou réelles ayant un lien avec le Dharma. Au Vietnam, le théâtre, est un outil de cette transmission.

Au Vietnam, Quan Am Thi Kinh est le personnage principal d’une pièce de théâtre et d’un roman du même nom. Dans cette pièce, qui date du XVe ou XVIème siècle, plusieurs parties sont chantées en hanh (chant des moines) ou en kê (gâtha). Les linguistes, en comparant les deux textes, ont pu déterminer que la pièce de théâtre a été créée et jouée au sein de la classe paysanne et que le roman est l’oeuvre d’un lettré compétent à la fois en confucianisme et en bouddhisme. Le théâtre, par le mouvement des acteurs, les dialogues plus  » imagés  » est un moyen de communication plus efficace pour transmettre les éléments de la culture religieuse. Les moines l’avaient parfaitement compris et encourageaient les acteurs autant qu’ils le pouvaient.

Dans le roman, dont la rédaction est plus tardive (probablement vers le XVIIème siècle) l’histoire de Quan Am Thi Kinh est plus complexe. De fait, en dehors des lettrés appartenant aux classes dominantes, le texte ne connût jamais la même popularité.

L’héroïne est Quan Am Thi Kinh (Thi Kinh, nom de religion : Kinh Tam – étant une des incarnations de Kouan-Yin, l’aspect féminin du Bouddha en Chine et au Viet Nam) est le même.

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Un jeune homme avait pris l’habit monastique pendant neuf vies consécutives. A la dixième renaissance, la dernière avant d’accéder au monde des Bouddhas, cet être très évolué s’incarna dans le corps d’un bébé de sexe féminin dans une famille du nom de Mang, à Ho Nam (district de Lung Tai, province de Dai Bang en Corée).
Cette fille, prénommée Thi Kinh était, dit-on, ravissante, vertueuse et douée. Elle fut donnée en mariage à Thien Si, un jeune homme de la famille des Sung. Thi Kinh gérait du mieux qu’elle le pouvait son foyer pour donner à son mari le temps d’étudier. Un soir, fatigué par les études, Thien Si s’assoupit sur son fit. Sa jeune épouse, qui se livrait à des travaux de couture à son côté, aperçut un poil de barbe poussant à rebours sur le menton de son mari ; elle voulut la couper avec un couteau. Son mari, se réveillant en sursaut, crut que son épouse tentait de l’assassiner. Toutes les explications et les supplications de la jeune femme ne réussirent pas à convaincre les gens de son innocence. Chassée de sa belle-famille la malheureuse épouse se déguisa en homme et se fit admettre comme jeune bonze à la pagode Vân, sous le nom de Kinh Tam.

Mais la beauté naturelle de Kinh Tam attisa les désirs de Thi Mau, la fille d’une famille riche du village, où était implanté le monastère. Cherchant en vain à séduire le jeune bonze, mais ne parvenant pas à concrétiser son dessein, Thi Mau se donna à un garçon de ferme.

Enceinte et blâmée par le village, elle rejeta la faute sur Kinh Tam. Le jeune moine chercha en vain à se défendre. Afin de calmer les esprits, le moine en chef de la pagode dut payer l’amende pour Kinh Tam pour obtenir sa liberté, mais ne l’autorisa alors qu’à s’abriter seulement sous le portique de la pagode. Quelques semaines plus tard, Thi Mau accoucha d’un garçon et vint le déposer à la pagode, pour l’abandonner et le confier aux soins du « père ». Malgré son embarras, Kinh Tam prit en charge l’enfant. En dépit de l’hostilité des gens du village, chaque matin il allait mendier du lait pour l’enfant. Sa santé déclina quand son  » fils  » sut à peine parler. Il écrivit alors une lettre à ses parents, les priant de confier l’enfant au bonze en chef de la pagode à sa mort, puis il expira. C’est alors que la vérité éclata. En préparant le corps pour les funérailles, on découvrit avec stupéfaction que le moine Kinh Tam était en réalité une jeune femme

Dès lors, la notion de sacrifice et de compassion de cette jeune femme, qui avait endossé deux rôles dans lesquels elle s’était totalement impliquée : celui de moine et de père de famille, en acceptant d’adopter l’enfant innocent victime, comme elle, du mensonge et de la calomnie. Du coup, son action de compassion et sa sainteté furent unanimement reconnues.

Mais pour ajouter au merveilleux, la pièce de théâtre se termine par l’acte de la cérémonie en faveur de l’accession de Kinh Tam au monde des Bouddhas. Le Bouddha apparaît alors et annonce sa décision d’accepter Kinh Tam dans le nirvana. Le moine en chef de la pagode Vân chante alors ces versets

Maintenant, Thi Kinh a de la chance,
Elle est devenue d’une puissance sans limites,
Elle est capable de faire accéder au nirvana
Et ses parents, et son mari, et son enfant,
Et cela, au vu et au su de tout le monde.

Il démontre ainsi qu’en suivant le bouddhisme, on peut payer la dette de reconnaissance envers ses parents et en même temps venir en aide à autrui, qu’on peut accomplir à la fois les devoirs de piété et d’humanité et que le bouddhisme ne va pas à l’encontre du confucianisme.

Le roman développe ce point plus longuement et rajoute quelques rebondissements intéressants.

Reconnaissant l’innocence de Kinh Tam, le village obligea Thi Mau à porter le deuil de la disparue et à payer tous les frais de son enterrement. Le texte précise que les parents de Kinh Tam ainsi que Thien Si, son ex mari, accoururent aussi à temps et furent tous témoins de son élévation au rang de Bouddha. Les parents et l’enfant furent par la suite admis au monde des Bouddhas, mais seulement à côté de Kouan – Yin Thi Kinh et assis sur le même socle en forme de fleur de lotus ; quant à l’ex-mari, Thien Si, il fut métamorphosé en perroquet se perchant sur le même socle.

Des iconographies relatent cet épilogue où la morale aiguise la justice, illustrant les vers du dernier tableau de l’histoire de Kinh Tam la miséricordieuse, devenue Bouddha par la grâce de ses mérites karmiques et de ses bonnes actions ?

« Que le pouvoir de Bouddha est miraculeux !
Peut-être le monde des Bouddhas est-il près d’ici quelque part.
Au milieu du ciel, se dresse un mur de nuages
Bouddha en personne descend à cet autel,
Et apparaît à chaque minute la famille entière. jouissant silencieusement du bonheur des retrouvailles.
Sur décision du Bouddha Thien Ton, Kinh Tam est élevée au grade de Bouddha Kouan-Yin,
Quant à l’enfant, il est autorisé à rester
Dans la main de cette dernière.
Thien Si, le stupide, est transformé en perroquet se posant à son côté.
Ordre est donné aux parents de Kinh Tam de monter aussi à l’autel.
Ainsi la famille entière est admise au monde des bouddhas
Pour y jouir du bonheur éternel ».

Source : Bouddhisme Actualités

(à noter la similarité de cette histoire avec celle d’un moine au Japon qui, selon l’histoire, accepta sans se défendre la charge de l’enfant que la mère l’avait accusé d’avoir conçu. Prise de remords, elle avoua son mensonge et la vertu du moine éclata.)