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Elégie pour Ella Maillard

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ella maillardContemporaine d’Alexandra David-Neel, Ella Maillard avait de nombreux points communs avec elle. Habitée elle aussi par une quête intérieure, elle voyagera beaucoup en Asie. Ce n’est pas le bouddhisme qui l’appellera, mais le cheminement direct – au delà de toute tradition et de toute lignée – qui caractérisait le grand sage indien Ramana Maharshi.

Pendant un demi-siècle, la navigatrice olympique, la championne des neiges, l’aventurière du Sinkiang fut en butte à un malentendu. Dans ses jours ordinaires, à Genève l’hiver, à 2000 mètres d’altitude à Chandolin dès la belle saison, cette femme née en 1903 était à l’affût d’une sagesse. « Le passé est mort, disait-elle. seul l’instant présent est réel ! ». Mais on lui demandait de raconter ses exploits lointains, la jeunesse russe de 1930, le désert de Tsaïdam. Il est vrai que ces récits-là, ses livres réédités en Suisse dès 1982, puis à Paris quand les Français s’entichèrent de littérature nomade, sont restés les instruments de sa réputation et sa source de revenus. Elle vieillissait pauvrement, Ella. Riche, disait-elle, « de tout ce dont j’ai appris à me passer ».

Il rayonnait de sa personne une confiance métaphysique, qui peut expliquer les actes de courage de la voyageuse, mais aussi ses décisions tranchées. Elle parlait du « réflexe juste ». Lorsque appuyée sur ses deux cannes, elle perçut qu’elle ne pourrait plus vivre seule, une volonté inouïe, où se mêlait son propre être et une force d’ailleurs, plaça sur son chemin une femme écrivain, dès lors cuisinière, jardinière, infirmière, confidente : Anne Deriaz, témoin. «Ma troisième canne », riait Ella. Sur ces dernières années et sa vision des choses nous possédons maintenant des pages précieuses.

« Chère Ella », le livre d’Anne Deriaz aux Editions Actes Sud, c’est l’histoire d’une rencontre. L’histoire d’un lien très fort qui se tisse entre deux femmes. C’est aussi un merveilleux témoignage de ce que furent les deux dernières années de cette grande et célèbre voyageuse qui s’est éteinte un 27 mars 1997, à 94 ans, dans son chalet de Chandolin baptisé « Atchala », du nom d’une montagne sacrée du sud de l’lnde.

« Tu leur diras que j’ai connu la Grande Euphorie sur terre, que tu l’as comprise et que tu l’as partagée. Tu leur diras de traduire en langage occidental la leçon des Grands Sages. Car il n’y a pas deux sagesses, l’une de l’Occident et l’autre de l’Orient. Il n’y a qu’une seule sagesse. Mais n’oublie jamais que nous ne serions rien sans l’Asie. »

« Je le sentais bien, c’était l’étape finale de votre double voyage : l’un extérieur, à la recherche d’un paradis sur terre, et l’autre intérieur, à la recherche de l’Immuable que vous appeliez souvent Dieu.

Nous étions proches de la rive du Grand Fleuve. Encore quelques pas. Mais vous ne pouviez déjà plus faire qu’un seul pas. »

« La sagesse, Dieu, c’est dans le coeur, dans le souvenir, dans la lumière des yeux! »

 

cherellaAnne Deriaz , Chère Ella – Elégie pour Ella Maillart, Actes Sud. Coll. Archives privées.

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Ella Maillard et Ramana Maharshi